Elle faisait du droit et a décidé de tout lâcher. Parce qu'elle avait des choses à dire, parce qu'elle voulait les chanter. Barbara Pravi parle comme une mitraillette, dégaine un franc-parler qui fait du bien. Bien décidée à ne pas devenir une énième chanteuse jetable, elle a couché ses histoires- même les plus douloureuses- sur des partitions, tout en gardant les deux pieds plantés dans son époque. Au final, un premier EP lumineux pour se présenter au public, préambule à un prochain album, Déda, Sarah et les autres.... Rencontre avec une féministe qui n'aime pas les mots en "iste".
C'était en plein pendant l'affaire Weinstein et #MeToo et Eddy de Pretto venait de sortir son album. J'avais trouvé sa version magnifique. Elle était hyper intéressante car il y a beaucoup de mouvements féministes et ils se contredisent souvent. Mais par contre, un homme qui prend la parole pour défendre leur position, cela ne s'était jamais fait, je crois. J'ai trouvé ça hyper bien.
Pendant cette période, ça fusait de partout, il y avait de réactions, des contre-réactions, des vérités, des contre-vérités, mais par contre, au centre de tout ça, il y avait la femme. La bête noire, c'était la femme. Je me suis dit que c'était vraiment difficile de trouver la position juste de la femme aujourd'hui. C'est ce que j'ai essayé de faire. En gros, que doit être la femme aujourd'hui ? Jolie mais pas trop parce que sinon, on dit d'elle que c'est une pute, on se dit que lorsqu'elle se fait quitter, elle doit pleurer sinon, elle n'a pas de coeur... Que des clichés débiles ancrés dans l'imaginaire collectif.
Déjà, la majorité des patrons de maisons de disques sont des hommes. Ce n'est pas grave en soi. Mais je me rappelle que lorsque j'ai signé chez Capitol il y a trois ans, c'était un autre patron qui bossait dans le label et le gars m'a signée parce qu'il voulait faire de moi une petite chanteuse qui ne parlait pas trop, dont on se foutait un peu, qui n'avait pas de positions fortes. Juste parce que je mesure 1 mètre 59, que je suis un peu mignonne et que j'ai l'air sympa. Quand j'ai compris ça, j'ai rapidement refusé parce que j'écris mes textes, j'ai des choses à raconter. J'ai été mise au placard et s'il était resté à ce poste, j'y serais restée, avec tous les autres projets qu'on n'a pas trop envie de sortir.
Je pense que cela se passe un peu comme dans le milieu du cinéma : on veut séduire par sa personnalité et pas seulement parce qu'on a de jolies fesses, de jolis seins ou un joli sourire. Il y a tout ce rapport-là de séduction un peu malsaine qui existe dans le milieu de la musique comme un peu partout.
Pas du tout ! Peut-être que pour d'autres, oui, mais pas pour moi. J'ai eu une éducation grâce à mes parents qui m'ont élevée comme une fille forte, avec du caractère. Je faisais du droit, j'ai arrêté pour faire de la musique, parce que j'avais des choses à raconter et que c'est là-dedans que je peux m'épanouir et que je peux être vraie. Donc ça ne m'intéressait pas de jouer un personnage faux.
Je n'aime pas le mot. Je trouve qu'il englobe plein de choses et ça fait peur, les mots en "iste", il y a un côté maladif ! Mais dans le monde d'aujourd'hui, je pense que si l'on n'est pas féministe, c'est qu'on est misogyne, en fait. C'est qu'on n'aime pas la femme à hauteur de ce qu'elle est et des autres. Je suis donc féministe.
Je parle uniquement de choses qui me sont arrivées dans mes chansons. Je ne sais pas si on peut parler d'engagement. Dans ma chanson Le Mal-amour par exemple, j'explique à celui qui est mon compagnon actuel pourquoi j'ai dû mal à m'ouvrir : parce que je me suis fait taper par mon premier mec quand j'avais entre 17 et 19 ans. Je ne sais pas si c'est engagé de parler de cela mais en tout cas, il m'est arrivé des choses qui me permettent d'en parler.
Simone Veil, Audrey Hepburn. Et j'ai lu Virginie Despentes il y a deux ans et j'ai adoré. J'ai trouvé qu'elle était hyper vraie. Elle ne mâche pas ses mots et j'aime ça.
Eliza Delajungle. Et sinon, j'ai adoré le personnage de Jennifer Lawrence dans Hunger Games, elle m'a trop motivée ! Je ne traînais qu'avec des garçons et je ne regardais que des films de guerre.
L'héroïne de série dont vous êtes fan ?
Zooey Deschanel dans New Girl.
L'avancée en matière de droits des femmes que vous attendez encore ?
L'égalité salariale, évidemment. Et pourtant, étant intermittente, je ne suis pas impactée.
Tout l'album de Taylor Swift, 1989.
J'ai une expression par jour. Aujourd'hui, je dirais : "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort". C'est un peu facile, mais en même temps, c'est vrai !
Je passe ma vie à prendre des décisions qui me mettent un peu en danger. J'aime sortir de ma zone de confort et repousser les limites. Je dirais que l'un de mes meilleurs souvenirs, c'est quand j'étais serveuse : il y a avait un mec qui m'avait plaquée contre un mur en me mettant des chiquettes à 2h du matin. Je lui ai mis mon poing dans la gueule et je suis partie en courant. Et pourtant, je suis minuscule, je pense qu'il ne s'y attendait pas du tout. Et comme je repousse toujours mes limites, ce soir en concert, je vais faire un numéro de claquettes en rappel. Je me fais tout le temps ce genre de petits challenges.
Voler.
Plein de choses, notamment de choses du quotidien. Par exemple, la dernière fois, un pote m'a tenue la porte. Et une copine a trouvé que c'était sexiste. Je ne suis pas d'accord. Autant se révolter contre l'inégalité salariale ou le droit à l'avortement, ça, c'est le combat pour l'égalité, autant les codes culturels pour le coup, je trouve cela joli. Il faut prioriser ses combats.
Barbara Pravi, EP disponible depuis le 15 juin 2018.