L'open space
Ces photos provocantes dénoncent le sexisme qui muselle les femmes au bureau
Publié le 30 avril 2015 à 12:17
Par Charlotte Arce | Journaliste
Pour dénoncer le sexisme latent du monde professionnel, qui empêche les femmes d'accéder aux postes à responsabilité, une artiste américaine a réalisé une série d'autoportraits aussi perturbants qu'évocateurs.
La business woman La business woman© Kelsey Higley
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Malgré les efforts impulsés en France et à l'étranger par les gouvernements et les entreprises pour casser les stéréotypes de genre en entreprise, les clichés sur les femmes au travail continuent de limiter leur avancée professionnelle.


Jugées trop bavardes, pas assez impliquées ou moins compétentes que leurs homologues masculins, beaucoup doivent aussi subir les remarques sexistes de leurs collègues, qu'il s'agisse de paternalisme bienveillant ou de harcèlement pur et simple.


C'est pour dénoncer cette triste réalité, à laquelle sont confrontées de nombreuses femmes actives, que l'artiste américaine Kelsey Higley a décidé de réaliser une série d'autoportraits plutôt dérangeants.


Intitulée "What Binds Us " (Ce qui nous lit), sa série photographique la montre dans différentes situations professionnelles – comme business woman, comme serveuse, travaillant dans le bâtiment...-. Le regard dur, elle pose, avec une muselière autour de son visage. Intitulé "bride-bavarde", cet instrument de torture était utilisé au Moyen Âge pour faire taire les femmes un peu trop pipelettes.

Le symbole des barrières imposées aux femmes

Interrogée par le site HelloGiggles , Kelsey Higley explique que son inspiration pour "What Binds Us" a justement été ce fameux bride-bavarde. "Un de mes colocataires est tombé sur une image de cet instrument et me l'a envoyée. [...] En même temps, je lisais le livre de Sheryl Sandberg En avant toutes !, qui traite de la plupart des questions auxquelles les femmes sont confrontées au cours de leur carrière. J'ai immédiatement pensé que le bride-bavarde était le symbole parfait pour représenter les restrictions imposées aux femmes et les barrières que nous nous mettons nous-mêmes."


"J'ai décidé de me concentrer spécifiquement sur les lieux de travail des femmes car je pense que ce sont des endroits où les femmes ont toujours dû lutter, et où elles luttent encore aujourd'hui. J'ai une colocataire qui prépare son diplôme en génie informatique et l'autre jour, elle m'a dit qu'elle était la seule fille dans son laboratoire de conception numérique. J'ai été plusieurs fois témoin du harcèlement sexuel qui a lieu dans l'industrie des services alimentaires. Je suis allée à des conférences de presse où l'intervenant ignore en permanence les journalistes femmes tandis qu'il répond aux questions posées par des hommes. Ma mère a travaillé dans la construction avant ma naissance et m'a raconté des tas d'histoires sur la façon dont les hommes l'ont discrédité simplement à cause de son sexe. Je suis fatiguée de cette mentalité désuète dans laquelle nous restons coincés lorsque les femmes prennent part à la population active."

Un projet qui dérange

Revenant sur la genèse du projet, Kelsey explique qu'il n'a pas été facile de prendre de telles photographies. Perturbantes, provocantes, elles ont au départ suscité la méfiance, voire le rejet des propriétaires des lieux où elles étaient prises.

"Ma première tentative de shooting a lamentablement échoué, raconte-t-elle. Je suis entrée dans un building du centre-ville d'Oklahoma City et j'ai demandé la permission de prendre des photos. Le vigile m'a donné son autorisation, donc j'ai installé le trépied, avant d'installer timidement la bride sur ma tête, pendant que mon ami prenait les photos. Environ cinq minutes après le début du shooting, le même vigile s'est dirigé vers nous et nous a dit : 'Vous ne pouvez pas faire ça, c'est trop bizarre.' [...] Heureusement, j'ai eu le courage de demander la permission de prendre des photos dans quelques lieux après les heures de bureau. Non seulement j'ai obtenu l'autorisation, mais les gens à qui j'ai parlé ont semblé vraiment intéressés par mon projet."


Relayé par de nombreux médias outre-Atlantique, le projet "What Binds Us" a finalement inspiré plus de bienveillance que de critiques. "Je suis très heureuse de voir que tant de gens ont trouvé que c'était un projet convaincant. J'ai reçu de nombreux e-mails encourageants d'hommes et de femmes sont convaincus de l'importance du débat sur notre image corporelle. Bien sûr, j'ai aussi reçu quelques désobligeantes et des critiques des personnes qui ne comprennent pas entièrement mon concept qui refusent de croire qu'il est pertinent. Mais ce genre de réactions est à prévoir quand on partage quelque chose en ligne."

Mots clés
L'open space art sexisme travail
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