Quand la misogynie et la transphobie s'associent au racisme : c'est ce que l'on appelle sans grande ambiguïté un trio cauchemardesque.
Et c'est précisément celui que doit combattre en dehors des rings la championne de boxe algérienne Imane Khelif, qui s’est qualifiée pour les demi-finales. Alors qu'elle épate les foules aux Jeux Olympiques 2024 par sa force et son adresses déjà légendaires, la boxeuse de 25 ans seulement est victime d'un cyber harcèlement spectaculaire et d'une vague de fake news nauséeuses.
Notamment visée par l'ancien Ministre de l'intérieur italien Matteo Salvini, Imane Khelif, qui a récemment renversé la Hongroise Luca Anna Hamori, est suspectée... D'être un homme.
Elle fait l'objet d'un vaste campagne de dénigrement sur le web. Effectivement, de nombreux montages sur les réseaux sociaux la comparant directement à la gent masculine. Par-delà son physique, c'est également sa puissance sportive qui, pour ses détracteurs, l'érigent en adversaire masculin combattant des femmes.
Ce n'est pas seulement faux, c'est aussi révélateur d'un préjugé à l'indéniable portée sexiste. Parce que c'est avant tout car elle apparaît aux antipodes de certains stéréotypes de genre et standards physiques bien trop ancrés dans l'imaginaire populaire (et le patriarcat) que la sportive subit ces remarques : à l'unisson de bien des athlètes, Imane Khelif est mise au ban par manque de "féminité". Un regard qui témoigne d'une stigmatisation indéniable vouée aux sportives féminines.
Objet d'une campagne menée à son encontre, la boxeuse algérienne aurait déjà été la cible de plus d'un million de tweets cumulant railleries, insultes, menaces. Une vastitude comparable aux raids, cette méthode de harcèlement organisée visant un dénigrement massif.
Des commentaires aux sous entendus transphobes : bien que les femmes transgenres soient interdites de compétitions dans les catégories féminines des Jeux Olympiques, on sous-entend qu'Imane Khelif serait une personne trans.
S'exprime dans ces dénonciations une haine virulente envers les femmes transgenres, sans cesse pointées du doigt, depuis des années, au sein du sport et de ses compétitions - le taux de testostérone des athlètes concernées étant considéré comme un critère inégal au vu de leurs concurrentes.
Ce discours-là, on le retrouvait d'ailleurs dans une vidéo TikTok partagée par son ex rivale Luca Anna Hamori : "Cela m'a pris toute une vie pour être aux Jeux olympiques et c'est peut-être un homme qui brisera mon rêve. Je dois boxer contre un garçon. Peut-être qu’il m’empêchera de gagner une médaille olympique''. La championne Hongroise a finalement échoué sur le ring. Mais la propagande à l'encontre de la boxeuse algérienne n'a fait que perdurer.
Et ce alors, relate le journal 20 Minutes, que le CIO, autrement dit le Comité International Olympique, l'organisateur central des Jeux, a rappelé au public qu'Imane Khelif est "née femme, enregistrée comme femme, vit sa vie en tant que femme, boxe en tant que femme".
Cette polémique construite de toutes pièces par les détracteurs de la sportive en dit également sur les critères de féminité définis par notre société, et qui, malgré les avancées permises par les révolutions et mouvements féministes, semblent toujours perdurer dans l'inconscient populaire. Dans ce cadre, comparer une femme (sportive) à un homme, c'est l'humilier. Une logique un brin paradoxale s'il en est dans la mesure où les misogynes qui l'émettent détestent, par définition... Les femmes.
Cohérence aux abonnés absents oui, mais pas si étonnante : c'est également cette analogie qui est employée pour dénigrer les femmes lesbiennes, trop lointaines, aux yeux des lesbophobes, des critères de féminité traditionnels. Des attaques que subissent globalement les personnes considérées comme marginales et transgressives.
On le comprend, le combat pour la championne se déroule également, bien malgré elle, en dehors du ring. Mais la principale concernée préfère se focaliser sur ses ambitions présentes. Par exemple ? L'affrontement décisif qui l'opposera ce 6 août à la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng...