Terrafemina : Quels sont les trois mots qui résument le mieux votre ascension professionnelle ?
Delphine Ernotte : Travail et implication, parce non seulement j’ai toujours beaucoup travaillé, intensément, mais parce que j’y ai consacré une part importante de ma vie, j’y ai mis une énergie très personnelle. Il y a une part de chance aussi et des rencontres qui m’ont fait progresser.
Tf : Selon vous existe-t-il un management au féminin ?
D. E. : Non, je ne pense pas, à la fois par expérience et par conviction féministe. Nous avons bien plus à gagner, il me semble, à souligner les ressemblances plutôt que les différences entre les femmes et les hommes. Les styles de management sont, à mon avis, plus liés à la culture, à l’expérience et à l’éducation. Nous faisons trop souvent du genre un élément de distinction essentiel. Pourquoi devrions-nous, dans le milieu professionnel, être d’abord considérées pour notre statut de femmes avant celui de manager ? Et puis, appuyer nos différences enfin, c’est laisser la place aux stéréotypes : c’est s’imaginer qu’une femme est plus dans l’empathie quand un homme a le sens de l’action…
Tf : À quel moment le fait d'être une femme a-t-il le plus influé sur votre carrière ?
D. E. : Quand je faisais mes études en prépa, tous les matins le professeur de mathématiques entrait et disait : « Bonjour Messieurs ». Je crois que je me suis aussi construite contre ce modèle. Les difficultés que j’ai pu rencontrer m’ont rendue plus exigeante, m’ont poussée à progresser et à me confronter à l’adversité. Et puis, j’ai aussi eu la chance de venir d’une famille où les femmes ont toujours travaillé, et où mon père m’a autorisée et encouragée à être autonome.
Terrafemina : Quels sont les trois mots qui résument le mieux votre ascension professionnelle ?
Chantal Jouanno : Détermination. Travail, il n’y a pas de secret. Chance : celle de faire les bonnes rencontres.
Tf : Selon vous existe-t-il un management au féminin ?
C. J. : Je suis convaincue qu’il existe une façon de diriger au féminin très différente, basée sur la capacité de conviction plutôt que de direction. Les femmes essaient d’obtenir une adhésion sur le fond plutôt que d’affirmer qu’elles ont raison par la force. Le pouvoir politique est très militaire et profondément marqué par des codes masculins : si on exige les mêmes défauts et qualités chez les hommes et les femmes, ces dernières ne peuvent pas exercer le pouvoir de la même façon, elles doivent se démarquer, même si je suis consciente que peu de femmes assument cette différence. On ne peut pas rivaliser avec les codes du pouvoir, avant tout parce qu’en politique nous les femmes sommes minoritaires, il nous faut donc contourner ces codes et en trouver de nouveaux. Nous devons accepter le fait que l’on doit appliquer le leadership de façon différente. Le management se fait beaucoup sur le fond plutôt que sur la forme. C’est en tout cas ce que je pratique au quotidien.
Tf : À quel moment le fait d'être une femme a-t-il le plus influé sur votre carrière ?
C. J. : Cela a influencé à l’évidence ma carrière quand j’ai été nommée ministre : il fallait des femmes pour rétablir l’équilibre du gouvernement, cela m’a favorisée. Par ailleurs, pour travailler avec des hommes au caractère fort, qui sont en permanence dans un esprit de rivalité, c’est beaucoup plus simple d’être une femme : par exemple quand je travaillais avec Nicolas Sarkozy, nous n’avions pas cette relation de rivalité, parce que j’étais justement une femme. Être une femme peut ainsi être un avantage pour accéder au pouvoir, mais aussi un inconvénient pour l’exercer. J’ai pu remarquer par exemple qu’on vous écoute moins attentivement… Aujourd’hui, j’ai fait de cet inconvénient un atout, mais cela suppose de ne pas renoncer à ses convictions et d’éviter de se fondre dans un moule de l’exercice du pouvoir qui est plutôt masculin.
Terrafemina : Quels sont les trois mots qui résument le mieux votre ascension professionnelle ?
Anne Méaux : Liberté. De regard, d’analyse et de parole. Travail. Sans être rigoureux et exigeant avec soi ou avec ses collaborateurs, on ne réussit rien. Intégrité. Parce que c’est essentiel pour bien vieillir.
Tf : Selon vous existe-t-il un management au féminin ?
A. M. : Oui, je le pense. Nous avons plusieurs vies à mener, celles de maman, de chef d’entreprise et de femme. Nous devons être à la fois performante, à l’écoute de nos enfants et jolie. Nous sommes multitâches par essence. Et en management, l’important n’est pas d’être spécialiste dans tous les univers, mais d’être capable de les relier. Je pense par ailleurs que nous portons un autre regard sur nos collaborateurs, nous les prenons dans leur globalité, dans ce qu’ils sont, au-delà de leur fonction. Enfin, nous avons un rapport au pouvoir très différent. Nous le voulons, non pour le simple fait de l’avoir, mais pour qu’il soit utile à une action.
Tf : À quel moment le fait d'être une femme a-t-il le plus influé sur votre carrière ?
A. M. : Au début de ma carrière, je suis entrée à l’Élysée parce que Valéry Giscard d'Estaing voulait qu’il y ait une femme dans l’équipe. J’étais lauréate du concours de version latine et on m’a choisie. Si j’avais été un homme, personne ne serait venu me chercher, tout comme d’ailleurs si je n’avais pas gagné ce concours… Pour le reste, je n’ai jamais vécu le fait d’être une femme comme une difficulté. J’ai eu une mère formidable qui m’a élevée comme mon frère. Jamais on ne m’a cantonnée à certaines tâches, toujours on m’a poussée vers les études. Et cette confiance en moi a forcément rejailli sur les autres, suffisamment en tout cas pour que personne ne me fasse douter. Finalement, ce qui a le plus influé dans ma carrière, c’est à la fois la chance, le travail, ma capacité à anticiper et à avancer vers ce que je ne savais pas. Mais cela, ce n’est pas l’apanage des femmes…
Terrafemina : Quels sont les trois mots qui résument le mieux votre ascension professionnelle ?
Barbara Pompili : Rencontres, conviction et ténacité
Tf : Selon vous existe-t-il un management au féminin ?
B. P. : Il me semble que l’appréciation d’un individu doit être « dé-genrée ». Peu importe le sexe ou le genre des personnes avec lesquelles nous sommes en interaction, que cela soit dans le milieu professionnel, associatif… ou même personnel. Pour moi, ce sont les compétences, les valeurs et les qualités humaines qui priment. C’est quelque chose que j’applique naturellement au quotidien, aussi bien dans ma fonction politique de députée que dans mes relations. Alors oui, les femmes ont un rôle tout aussi important que les hommes à jouer dans la co-construction de notre société, des entreprises, des associations et de toutes les organisations sociales.
Tf : À quel moment le fait d'être une femme a-t-il le plus influé sur votre carrière ?
B. P. : J’ai la chance d’évoluer dans un mouvement politique dans lequel être une femme n’est pas pénalisant, puisque la parité est une valeur naturelle qui s’exprime au quotidien chez les écologistes. Nous sommes ainsi le seul groupe politique à avoir autant de députés que de députées ! Je dois toutefois reconnaître que comme pour toutes les mères, il m’est parfois bien difficile de concilier vie de famille et obligations professionnelles, et d’autant plus avec une garde alternée. Les réunions tard le soir, les déplacements presque quotidiens entre Amiens et l’Assemblée nationale ne me facilitent pas la tâche. Mais comme la plupart des femmes actives, j’ai fait le choix de ne faire aucun renoncement : ni à ma vie de famille, ni à ma vie professionnelle qui me permet en plus de porter mes valeurs. En ce sens, le partage des responsabilités – et la coprésidence qui prévaut dans mon parti – constituent une des solutions. Mais il est vrai que beaucoup reste à faire pour permettre à toutes les femmes (mais aussi aux hommes qui ont des responsabilités familiales) de ne pas avoir à choisir entre épanouissement professionnel et vie familiale, pour équilibrer équitablement les responsabilités dans les sphères publiques et privées entre femmes et hommes.
Terrafemina : Quels sont les trois mots qui résument le mieux votre ascension professionnelle ?
Marie-Claire Capobianco : Détermination. J’ai toujours considéré que j’y arriverai et je m’en suis donné les moyens. Lucidité, celle d’avoir toujours été consciente de mes capacités –de travail, de négociation, d’empathie- et de mes limites –je n’étais pas attendue et j’étais face à des hommes qui eux l’étaient. Travail, parce que sans lui, il était impossible d’obtenir tout cela.
Tf : Selon vous existe-t-il un management au féminin ?
M.-C. C. : Je ne pense pas qu’il y ait des qualités féminines vs des qualités masculines, en tout cas pas intrinsèquement. Nous ne sommes pas différents par nature. En revanche, je pense que les conditions d’exercice des femmes forgent chez elles un certain style de management. Elles développent des aspects très opérationnels et concrets parce que leurs qualités sont plus challengées, parce que le contexte leur est moins favorable et parce qu’on a été plus exigeant avec elles. Mais malgré tout, je crois que nous restons avant tout des chefs d’entreprise et que, plus globalement, nous faisons du business de la même façon. Je n’ai pas le sentiment là-dessus que ma position de femme ait joué, ou alors je ne m’en suis pas rendu compte.
Tf : À quel moment le fait d'être une femme a-t-il le plus influé sur votre carrière ?
M.-C. C. : Au début de ma carrière, j’ai dirigé une agence bancaire : j’étais jeune, j’étais une femme et j’ai très vite pris conscience que ça pouvait être un handicap. J’étais moins prise au sérieux : lorsqu’un client arrivait et qu’un homme était à mes côtés, on s’imaginait systématiquement que je n’étais pas la directrice. J’ai donc très tôt pensé qu’il fallait que je redouble de professionnalisme et j’ai alors développé des qualités de combativité et de détermination. J’ai mesuré à quel point la faille, le défaut ou la faiblesse étaient plus impactants pour une femme. C’est d’ailleurs toujours vrai : pour atteindre la même position qu’un homme, une femme doit être au meilleur niveau.
Propos recueillis par Marion Roucheux et Ide Parenty
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