Le vendredi 10 février dernier, la voiture de Pierre Palmade entrait violemment en collision avec un véhicule circulant en sens inverse sur une route de Seine-et-Marne. A son bord, une femme enceinte, un homme et un enfant de 6 ans. Grièvement blessées, les quatre personnes impliquées auront été placées en réanimation. Au lendemain du drame, la femme enceinte a perdu son foetus. Et si aujourd'hui, la vie des trois passagers du véhicule embouti par l'humoriste ne semble plus en danger, ils pourraient garder de lourdes séquelles.
Emergeant au coeur de cette tragique affaire qui sature les médias depuis plus d'une semaine (et fait flamber la haine homophobe sur les réseaux sociaux), le terme "chemsex". En effet le comédien, sous l'emprise de produits stupéfiants au moment de l'accident, venait de s'adonner à cette pratique.
Alors que fausses informations, raccourcis et amalgames se multiplient à propos de cette consommation de drogues en contexte sexuel, nous avons voulu faire un point avec Marie Öngün-Rombaldi, déléguée générale de la Fédération Addiction, réseau d'associations et de professionnels de l'addictologie.
Marie Öngün-Rombaldi : Le "chemsex" existe depuis des années. Il s'agit d'une consommation de substances psychoactives dans le cadre d'une session sexuelle. En général, ce sont des soirées très ritualisées d'hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) qui s'étendent sur tout un week-end. On estime que 30% des gays pratiqueraient le "chemsex". Il est important de souligner que toutes les personnes qui consomment un produit psychoactif et ont un rapport sexuel ne pratiquent pas le "chemsex".
M. O.R. : La 3-MMC, la cocaïne, le GHB et le GBL. Des drogues qui désinhibent et augmenteraient les performances.
M. O.R. : Nous avons fait beaucoup d'études avec les associations spécialisées à ce propos. Il y a l'excitation sexuelle, la désinhibition. Mais aussi un moyen de s'échapper d'un contexte sociétal construit pour les personnes hétérosexuelles et où règnent l'homophobie et les discriminations envers la communauté LGBT. On y trouve une valorisation de la surpuissance, de la performance, de cette virilité d'hommes qui vont "tenir" des heures. Le fait de consommer toutes ces drogues lors du "chemsex" permettrait de se sentir désinhibé, plus libre, de ne plus avoir honte et de répondre à ces injonctions de performance.
M. O.R. : Comme toute consommation de produits psychoactifs, le "chemsex" comporte des risques à court terme : surdosage (par exemple, le "K-hole", ce "trou noir" causé par l'abus de kétamine qui fait perdre toute notion de temps et d'espace), abcès et plaies liés à l'injection, contamination par le VIH, les hépatites et d'autres IST. À moyen terme, il existe évidemment un risque de perte de contrôle de ses consommations et d'addiction. Mais le "chemsex" peut aussi avoir selon les personnes un risque de désocialisation et un impact sur la santé psychique.
M. O.R. : Des études et les professionnels ont estimé qu'elle s'était accélérée avec le Covid, notamment pendant le confinement. Les sessions avaient tendance à dépasser le cadre du week-end. On a vu des problèmes d'addiction émerger à cause de la prise de produits plus régulière à ce moment-là.
M. O.R. : La plupart des personnes qui pratiquent le "chemsex" le font sans danger. Ce qui est malheureux dans le traitement médiatique de l'affaire, racoleur et sensationnaliste, c'est que l'on laisse à penser que les personnes qui pratiquent le "chemsex" sont potentiellement dangereuses, ce qui est totalement faux. Et on en arrive à la stigmatisation supplémentaire de deux populations déjà stigmatisées : les drogués et les LGBT.
Il est assez rare que des personnes qui pratiquent le "chemsex" viennent dans nos structures de soins. Beaucoup pensent qu'elles sont faites pour les personnes toxicomanes ou alcooliques et elles ne se sentent pas forcément concernées.
La double stigmatisation dont peuvent être l'objet les "chemsexeurs" - en tant que consommateurs de drogues et en tant que gay - est un risque de limitation de l'accès aux soins. Elle pourrait les dissuader encore plus de franchir la porte de nos structures pour se soigner ou se renseigner sur la réduction des risques- on y apprend par exemple à ne pas prendre sa voiture. Sans compter cette forme de jugement moral qui est particulièrement gênante.
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