1995. La guerre civile ravage l'Angola. La jeune Nayola se lance à la recherche de son mari, Ekumbi, disparu au combat. Elle pose des mines, slalome entre les bombes, trace sa route inlassablement. En 2011, l'impétueuse Yara, 16 ans, compose ses hymnes à la résistance. Elle rappe la dureté de la vie, appelle à la révolte dans une société oppressive. Et s'interroge : où est donc cette mère qui l'a laissée chez sa grand-mère alors qu'elle n'avait que 2 ans ? Que s'est-il passé ?
Inspiré par la pièce de théâtre de Eduardo Agualusa et de Mia Couto A Caixa preta, le film d'animation Nayola revient sur l'impact de la guerre qui a déchiré ce pays d'Afrique équatoriale durant plus de deux décennies et comment ce conflit a marqué trois générations de femmes angolaises : la mère, la fille et la grand-mère.
"J'ai été touché par la manière dont Eduardo Agualusa et de Mia Couto montrent les conséquences d'une guerre de plus de 26 ans sur une famille du point de vue de trois générations différentes de femmes avec leurs secrets, leurs craintes et leurs rêves", explique le réalisateur portugais José Miguel Ribeiro, qui a pris le temps de façonner ce film pour coller au plus près de ce pays meurtri. "Je ne suis pas une femme, je ne suis pas angolais·e, et ça a été un travail de 5 ans. J'ai dû m'informer, faire des recherches en Angola et dans des livres comme Combater Duas Vezes (Combattre deux fois) de Margarida Paredes, un récit des femmes qui ont combattu dans la guerre d'Angola, en plus de travailler avec des artistes angolais".
Puisant son inspiration graphique dans le design des masques et la palette chromatique chaude des terres africaines, Nayola se révèle également un voyage visuel surprenant. "Nayola est essentiellement un road movie et donne à voir de nombreux univers graphiques. L'une des choses les plus intéressantes dans un road movie est de voyager à travers différents paysages. Certaines scènes sont plus impressionnistes, d'autres sont plus réalistes et monochromes", décrit José Miguel Ribeiro.
Le résultat est une pure merveille d'animation, où chaque plan est un tableau d'une beauté renversante. Dense et poétique, Nayola entremêle réalisme et onirisme et nous embarque dans un récit intergénérationnel surprenant qui navigue entre passé et présent, mysticisme et tragédie. Ici, la guerre n'est que très peu recontextualisée, sans doute pour en accentuer l'impact universel. Car un conflit "tue les hommes mais aussi les rêves", comme le cingle la jeune Yara.
Tout comme le très beau Valse avec Bashir (2008), dans lequel Ari Folman revenait sur son passé de soldat pendant la guerre au Liban ou encore le récent Dounia et la princesse d'Alep (2023) qui brossait le portrait d'une petite exilée syrienne, Nayola est une nouvelle preuve de la force du cinéma d'animation pour rendre compte de l'histoire contemporaine dans ses pans les plus douloureux.
Nayola
Sortie au cinéma le 8 mars 2023
Un film de José Miguel Ribeiro
Avec les voix de Ciomara Morais, Angelo Torres