« Les femmes de l'État islamique : manifeste et étude de cas ». Voila comment se présente le document publié en arabe le 23 janvier par la brigade al-Khansaa, une milice uniquement composée de femmes au sein du groupe Etat Islamique, et basée à Raqqa en Syrie. Dans ce guide long de 10 000 mots, mis en ligne sur un forum djihadiste, l'organisation terroriste, déjà à l'origine d'un guide de l'esclavage sexuel, résume les règles auxquelles les femmes doivent, selon elle, se plier pour aider au mieux la cause du mouvement.
Traduit en anglais (et disponible ci-dessous) par le think tank britannique Quilliam Foundation, spécialisé dans les problématiques d’islamisme et de déradicalisation, le document se divise en chapitres. Sont ainsi abordés tour à tour l'échec du modèle féminin occidental, la femme musulmane, les fonctions secondaires autorisées, la différence entre étudier et gagner sa vie, le voile, la justice… Pour chacun des thèmes, al-Khansaa, qui prend par ailleurs soin d'éluder la question du viol, édite des règles de vies à faire froid dans le dos.
Au chapitre mariage, on apprend ainsi que les filles peuvent se marier dès l'âge de 9 ans, et devraient idéalement avoir un mari à 16 ou 17 ans. Une fois devenues épouses, les jeunes femmes ne peuvent sortir de chez elles que pour étudier la théologie, affirme le guide de bonnes pratiques. A la différence de Boko Haram, qui prône un rejet de toute forme d'éducation par les livres, « les femmes ne doivent pas être illettrées », défend la milice féminine.
« Nous disons : 'Restez à la maison', mais cela ne signifie pas que nous soutenons l'illettrisme ou l'ignorance. Nous soulignons simplement la distinction entre le travail - qui implique pour une femme de quitter la maison - et les études, qu'elle doit suivre ». Les petites filles et adolescentes doivent apprendre la vie du prophète, l'histoire de l'islam, la charia, mais doivent également savoir coudre et cuisiner. Tous ces préceptes doivent être maîtrisés entre 7 et 15 ans, poursuit le document.
Les auteurs abordent ensuite la question du rôle de la femme dans la société, cantonné selon elles au strict minimum. « La place de la femme est à la maison », les femmes de l'organisation terroriste doivent en effet rester enfermées chez elles, ne quittant le domicile que dans des circonstances exceptionnelles, pour aller chez le médecin (qui doit également être une femme) ou mener le djihad si les circonstances l'exigent.
Côté apparence physique, le document se montre très précis. « Il est toujours préférable pour une femme de rester cachée et voilée, de maintenir la société derrière ce voile », explique le guide pour qui les magasins de mode, les salons de beauté et la chirurgie esthétique sont l'oeuvre du diable (Iblis). S'épiler, porter des boucles d'oreille ou des piercings, se raser les cheveux « par endroits et pas à d’autres » sont également des pratiques à bannir. Des codes vestimentaires déjà en vigueur dans la province de Deir Ezzor en Syrie.
Si les auteurs du manifeste précisent d'emblée que le groupe Etat islamique n'a pas ratifié le contenu du texte, elles n'hésitent pas à s'en prendre à « ceux qui n'ont pas la foi en Europe », avec au premier rang les hommes et femmes qui cherchent à s'éduquer et à trouver un travail. Les femmes qui travaillent sont selon elles pleines d’« idées corrompues et de croyances de pacotille ».
Selon la Quilliam Foundation, le document n'était pas destiné à une traduction en anglais, par crainte de brouiller son message en atteignant le public occidental. Selon le Centre international pour l'Etude de la radicalisation, environ 10% des individus quittant l'Europe, l'Amérique du Nord ou l'Australie les zones contrôlés par les groupes djihadistes sont des femmes.