Lisant au hasard, sur divers médias, on trouve une longue liste de recommandations pour se donner une apparence séduisante (du latin « seducere », qui signifie « tirer à l'écart »). Il faudrait, par exemple, avoir les dents blanches, de beaux cheveux, une haleine épatante, des seins fermes, beaux et gros, le ventre plat, aucun kilo en trop, une manucure impeccable et une pédicure aussi. Comme les signes de l’âge sont à bannir, il ne faudrait aucune ride. En évitant autant que faire se peut le bistouri, on en est déjà à un minimum annuel de 1.500 €, sans compter tous les « it » sacs à mains et chaussures, trousses de maquillage bien garnies, et garde-robe rafraîchie au moins deux fois l’an qui donneraient ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence.
Pour celles qui pensent, comme l'historien de la beauté George Vigarello, que c'est une formidable liberté de pouvoir refaire son corps entièrement, que c’est le premier vrai signe d'égalité des chances dans la vie, le coût grimpe vite à 10 / 15.000 € ; ceci sans compter les labiaplasties et autres chirurgies des organes sexuels, à partir de 5.000 €, tandis que pour des fesses aussi rebondies que celles des Africaines, on démarre à 2.950 €. À cela, il faut ajouter 7 jours d'arrêt de travail par opération, ce qui fait que les 7 semaines de vacances annuelles y suffiront tout juste.
Toutes ces options de façade, plus ou moins coûteuses, peuvent avoir des effets bénéfiques, mais n'en n'ont aucun sur le pouvoir de séduction, car la séduction fonctionne sur d'autres codes.
Chez l'ensemble des animaux, ce sont les mâles qui font la parade (la roue chez le paon, la crinière chez le lion, les couleurs des plumes chez les oiseaux...), lorsque les femelles indiquent qu'elles sont en période d'ovulation. Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, les hommes se paraient d'atours pour plaire (de l'étui pénien qui fut le premier vêtement, aux perruques, aux poudres et aux talons, qui ont d'abord été l'apanage des hommes).
Pourtant, que ce soit l'homme ou la femme qui se pare des plus beaux ornements, ce ne sont jamais ces derniers qui déclenchent le désir, mais les phéromones - de « phéro », le transport, et « hormone » du grec hormaien, qui signifie « exciter » - , des molécules si savantes qu'elles communiquent entre elles à plusieurs kilomètres de distance et échangent des informations sur la compatibilité des corps et l'attirance mutuelle. Ces molécules sont sécrétées par des glandes dites « apocrines », que l'on trouve sous les aisselles, les mamelons, dans l’aine, dans l'anus et l'appareil génital. C'est notre sueur qui les diffuse le mieux, c'est pourquoi certaines femmes font l'économie de tous parfums de marque et se contentent de plaire en mettant derrière chaque oreille quelques traces de copuline (sécrétions vaginales).
Lorsque rencontre il y a, c'est le baiser qui ensuite vérifie le système immunitaire. Si le couple s'installe dans la relation et que l'euphorie première de la relation amoureuse s'essouffle, d'autres hormones prennent le relais comme l’ocytocine, et la phényléthylamine, appelée aussi peptide de l'amour (on la retrouve également dans le chocolat, le vin rouge et le fromage et elle fait partie de la famille des amphétamines). C'est lorsque le sevrage de cette dernière se passe bien que le couple peut durer.
Aussi révoltant que cela puisse être, c’est certainement en partie la raison pour laquelle certaines personnes qui ne sont pas forcément les plus jolies (en tout cas selon les critères du moment) attirent. Le mélange d’assurance, de tranquillité et la confiance dans ce pouvoir interne font plus que les attitudes séductrices, rarement séduisantes.
Pour Baudrillard, « La séduction est de l'ordre du rituel », et le rituel à son importance symbolique qu’on ne saurait ignorer. Mais puisque Cupidon, le messager de l’amour, n’est pas un enfant joufflu dardant ses flèches sur l’être aimé, mais un ensemble de molécules à l’efficacité redoutable, quelques économies sur le superflu seront bienvenues en ces temps de crise et n’auront aucune incidence sur la capacité à séduire.
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