Société
Comment réussir sa "carrière d'épouse" dans les années 50
Publié le 21 octobre 2016 à 18:07
Par Hélène Musca | Rédacteur
Entre les hommes politiques qui "attrapent les femmes par la chatte", le harcèlement de rue, le plafond de verre et les discriminations de genre, on est parfois heureux de pouvoir se replonger dans les guides ultra-sexistes des années 50, histoire de se rappeler que oui, malgré les apparences, la condition de la femme progresse.
Comment réussir sa carrière d'épouse dans les années 50 Comment réussir sa carrière d'épouse dans les années 50© Getty Images
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Dans les années 50, le mariage était une franchise sociale dont on ne pouvait se passer. Après le chaos de la Seconde Guerre Mondiale, qui a renversé tous les piliers de la civilisation d'avant-guerre, c'était une garantie de stabilité dont ne pouvait se passer une société qui peinait à se reconnaître dans le miroir.

Par conséquent, on accordait une importance presque sacrée au mariage, et le divorce, légal depuis la loi Naquet de 1884, était une tragédie à éviter à tout prix –en particulier, évidemment, lorsqu'on était une femme. Car les femmes étaient alors élevées dans l'unique objectif de devenir des épouses, de passer du statut imparfait de "mademoiselle" à un "madame" bien plus respectable. Le CV d'une femme devait être son nom d'épouse, et sa carrière, son mariage.

Les débuts (délirants) des thérapies de couples

Une publicité des années 50 qui résume parfaitement les mentalités dans le mariage à cette époque

C'est pourquoi, comme le souligne le site Psychcentral, on assiste dans les années 50 à un véritable boom des experts conjugaux et magazines féminins spécialisés, qui prospéraient en assommant les femmes de conseils moralisateurs et misogynes. Les thérapies de couples faisaient fureur, mais n'étaient alors que de vastes escroqueries, sans aucun fondement psychologique : preuve en est l'exemple de Paul Popenoe, le plus célèbre expert du mariage durant les années 50 aux Etats-Unis. Il fut le premier à ouvrir un centre de conseil conjugal, et faisait sans cesse des apparitions dans les médias... alors qu'en réalité, il n'avait qu'une formation d'horticulteur.

Les conseils prodigués aux femmes pour être de bonnes épouses et garder leurs mariages à flots n'étaient alors guère plus qu'un concentré de préjugés et de sexisme. Kristin Celello, professeur d'histoire au Queens College à New York, a recensé toutes ces perles dans un livre fascinant, Making Marriage Work: A History of Marriage and Divorce in the Twentieth-Century United States ("Faire fonctionner un mariage : une histoire du mariage et du divorce au XXe siècle aux Etats-Unis"). Entre deux grincements de dents, on a relevé quelques exemples qui montrent comment une femme était censée gérer son mariage dans les années 50. Un retour en arrière aux allures d'indigestion.

1. Pour réussir son mariage, une bonne épouse ne travaillait pas pour se consacrer entièrement à son foyer
Le mariage des 50's, ou les joies de la vie de femme au foyer

"Réussir son mariage est un job à part entière, qui requière des qualités de diplomate, de femme d'affaires, d'une bonne cuisinière, d'une nurse expérimentée, d'une maîtresse d'école, d'une politicienne et d'une mannequin"(Making a Mariage Work, citation d'Emily Mudd, une conseillère conjugale).

Autrement dit, pour réussir son mariage, une femme avait intérêt à abandonner son emploi et à mettre toutes ses ambitions dans son mariage : après tout, être une épouse n'est-il pas le plus beau métier du monde ? Et c'était loin d'être aisé : la femme idéale cumulait les casquettes, puisqu'elle devait pouvoir tenir la maison, gérer les enfants, se faire belle, et masser les pieds de son mari quand il les posait sous la table en rentrant du travail -oui, parce qu'évidemment, les hommes avaient le droit d'avoir une vie professionnelle, ils n'allaient quand même pas se sacrifier pour le sexe faible !

2. Pour réussir son mariage, une femme devait sacrifier ses talents au profit de son mari
Une bonne épouse, à défaut d'avoir une carrière, doit en plus aider son mari à réussir la sienne

Celello relève dans ce cas-là l'exemple de Dorothy Carnegie, la femme du gourou du développement personnel, Dale Carnegie. Cette dernière avait publié un ouvrage intitulé How To Help Your Husband Get Ahead ("Comment aider votre mari à réussir"), qui explique aux femmes comment, à défaut d'avoir une carrière, elles devaient tout faire pour aider leurs maris dans la leur. Elle expliquait par exemple qu'étant donné que son mari avait une mauvaise mémoire des prénoms, avant chaque grande réception, elle apprenait les noms de tous les convives par coeur et les plaçait dans la conversation pour que son mari n'ait pas de blanc.

Mais personnellement, on a plutôt tendance à penser que la phrase "Derrière chaque grand homme, se trouve une femme" n'est pas belle mais complètement déprimante. Les femmes, on les préfère sur le devant de la scène, créditées du mérite qui leur revient.

3. Quand l'homme se comportait mal, c'était la faute de son épouse
La mentalité des années 50 : si un homme trompait sa femme, c'était de la faute de cette dernière

Celello rapporte qu'un conseiller de l'American Institute of Family Relations a dit à une femme mariée depuis 27 ans dont le mari était infidèle : "Nous nous sommes rendus compte, avec l'expérience, que quand un mari quitte son foyer, c'est souvent parce qu'il cherche un refuge, qu'il veut s'éloigner d'un environnement déplaisant. Se pourrait-il que votre mari se sente incompris ou diminué dans sa propre maison ? Qu'est-ce qui, dans votre manière de vous comporter avec lui, a pu provoquer cela ? Avez-vous minimisé son importance au sein de votre mariage, ce qui expliquerait qu'il se sentait mal à l'aise en votre présence ?".

L'alcoolisme, l'infidélité et les violences ne sont pas des motifs suffisants pour qu'une femme divorce. Bien au contraire : dans les années 50, si votre mari a des vices, c'est à cause de vous. Après tout, c'est bien connu : les femmes sont toutes des folles, des hystériques ou des castratrices...

4. Une bonne épouse devait être indulgente avec son mari si ce dernier était violent

Ou pas.

Comme Celello l'explique dans Making Marriage Work, il était fréquent d'expliquer aux femmes victimes de violences conjugales que si leurs maris les frappaient, elles devaient apprendre à arrêter de les énerver, à les aider à se détendre et à se relaxer. Etre plus indulgentes avec eux permettrait également de ramener harmonie au sein du foyer et d'en faire "des épouses heureuses". Sans aucun doute, c'est un conseil à porter à l'attention des femmes qui meurent chaque jour sous les coups de leurs conjoints "stressés"".

5. Pour réussir votre mariage, une bonne épouse devait toujours soigner son apparence et se plier aux envies de son mari
Pour un mariage heureux, une femme était censée toujours prendre soin d'elle

Celello a recensé un nombre incroyables d'exemples qui justifient l'infidélité de l'homme en blâmant la femme. On retrouve systématiquement les mêmes arguments : un mari trompe son épouse lorsque celle-ci se laisse aller, qu'elle ne se fait plus belle, qu'elle prend du poids... Bref, une litanie sexiste de haut vol qui sous-entend que la valeur de la femme est inhérente à sa beauté, et qu'elle ne mérite moins de respect lorsque son physique se dégrade.

Si elles ne se plient pas au moindre des désirs de leur époux, et qu'elles ne satisfont pas leurs "besoins", c'est également un motif légitime d'infidélité. Pour les spécialistes du mariage des années 50, les hommes sont pareils aux mâles alpha d'une meute de loups : il est naturel qu'ils mangent toujours les meilleurs morceaux d'une prise, parce qu'ils sont supérieurs, tout simplement.

6. Une bonne épouse allait en thérapie conjugale pour sauver son mariage... seule
Le mariage des années 50 en un mot ? Sexisme.

Dans les années 50, beaucoup de couples voyaient des conseillers pour éviter le divorce, mais très rarement ensemble. Pour The American Association of Marriage Counselors, les thérapies à deux étaient "difficiles et potentiellement dangereuses", rien que ça. Un couple marié pouvait donc voir deux conseillers séparés, mais le plus souvent, c'était la femme qui consultait : de toute façon, qui d'autre aurait pu être en tort ?

Mots clés
Société droits des femmes sexisme discrimination couple News essentielles histoire
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