« Quels mots devraient être bannis en 2015 ? » interroge le magazine américain Time dans un article qui propose aux lecteurs de voter parmi une liste de termes honnis. Parmi ces mots, outre les certes agaçants « kale », « bossy » ou « influencer », figure donc le mot « feminist ».
Pour convaincre son lectorat, Katy Steinmetz, l’auteure de ce sondage commente : « Vous n’avez rien contre le féminisme, mais depuis quand n’importe quelle célébrité doit se prononcer au sujet de ce mot, comme si elles étaient des politiques en train de lancer un parti ? Restons concentrés sur les vrais problèmes et arrêtons de balancer ce mot comme des serpentins dans une parade en l’honneur de Susan B Anthony (une militante qui a joué un rôle dans la lutte pour le suffrage des femmes aux Etats-Unis, Ndr) ».
« Et si on était tous féministes en silence ? »
Cette proposition de supprimer le mot « féministe » au motif qu'il serait trop souvent prononcé par des stars - telles Beyoncé, Emma Watson ou Miley Cyrus - a provoqué l’indignation dans la presse américaine.
Sur le site d'infos féminin engagé Jezebel, la journaliste Anna Merlan s’en prend ainsi vertement au sondage du Time. « Oui, c’est vrai, tiens, pourquoi est-ce-que tout le monde parle de féminisme ? Et si on était tous féministes en silence ? Chez nous ? Ou seulement tard le soir quand tout le monde dort à poings fermés ? Et si on parlait de féminisme, mais en en prenant une voix fluette ? Ou alors dans un caisson pressurisé, comme ça on ne dérangera personne ? », écrit-elle ironiquement.
Difficile, il est vrai, de lui donner tort. Car oui, tiens, et si on arrêtait de nous bassiner avec ces stars qui considèrent que les femmes méritent d’être sur un pied d’égalité avec les hommes, font des déclarations publiques à ce sujet et vont jusqu’à affirmer que ce combat mérite d’être mené ? Le mot « féministe » est partout, c’est vrai. Mais justement, ne peut-on pas savourer un peu le fait qu’après avoir été dévoyé pendant des années par des armées d’anti-féministes, il jouisse enfin d'une popularité - certes relative ? Est-il si infamant qu'une star issue de la culture populaire comme Beyoncé ait contribué à populariser ce terme ? Même si, et tout le monde en est conscient, il ne suffit pas de poser en icône féministe pour réhabiliter un mot frappé d’ambiguïté depuis ses origines.
Emma Watson et sa tribune à l'ONU, les petites Américaines qui balancent des fuck à tout-va, les T-shirts « This is what a feminist looks like »... Ces initiatives, qui ont, elles aussi fait l'actualité n'ont-elles pas plus de sens et d'influence que le simple phénomène du « féminisme pop » ? Au-delà des clichés et des innombrables discours un tantinet hypocrites prompts à enterrer le terme, être féministe n'a jamais eu d'ambition castratrice. Etre féministe, c’est tout simplement se soucier de l’égalité salariale, des violences sexuelles, et plus généralement des droits des femmes dans le monde. N’en déplaise aux trolls de tous bords qui ont décidé de voter en masse sur le sondage de Time pour que ce mot soit largement en tête des termes à bannir.