Pour sensibiliser la population aux conséquences de l'avortement sélectif et à la valeur des femmes dans une société, le village de Bibipur, dans l'Etat d'Haryana au nord de l'Inde, a lancé une grande campagne auprès de sa population. Surfant sur le phénomène du "selfie", qui a désormais gagné la planète entière, le chef du village Sunil Jaglan a organisé un concours photo auprès des habitants, sous le nom de "Beti Bachao Beti Padhao" ("Sauvez votre fille, apprenez à votre fille").
Le principe : les parents sont invités à se tirer le portrait avec leur petite fille et envoyer le cliché familial à Jaglan via le service de messagerie Whatsapp. "Plus de 300 photos ont envahi mon Whatsapp", a ainsi raconté l'initiateur du projet au site The News Minute. "J'ai remarqué que peu de foyers avaient des photos de famille avec leur fille dessus", a poursuivi le chef du village. "L'objectif du concours est de renforcer l'importance des fillettes au sein de leur famille".
Tous les selfies récoltés vont désormais être jugés par un panel de 30 femmes du village indien. Si les critères de jugements restent flous, Bibipur a précisé que les gagnants, qui seront annoncés ce vendredi 19 juin, recevront un prix de 1200 roupies (un peu plus de 16 euros) ainsi qu'un certificat et un trophée.
Le lancement du concours n'a rien d'anodin dans l'Etat d'Haryana. L'Inde affiche en effet l'un des plus mauvais ratio hommes-femmes. De 964 femmes pour 1000 hommes en 1971, il est tombé à 918 en 2011, selon les données fournies par les Nations Unies. Un chiffre alarmant qui s'explique en partie par la pratique de l'avortement sélectif. Dans le pays, comme dans toute une partie de l'Asie mais aussi des Balkans, des femmes avortent parce qu'elles attendent une fille. En Inde, la culture a également ancré dans les esprits le coût financier d'avoir une fille : il faut la marier, puis la doter.
En janvier dernier, le Premier ministre Narendra Modi a lancé une campagne de sensibilisation pour tenter de trouver une solution à ce phénomène, qualifié par l'ONU d'urgence nationale. "Autour de nous, des filles sont tuées dans le ventre de leur mère, et nous ne ressentons aucune douleur. Nous n'avons pas le droit de tuer nos propres filles", avait alors déclaré le responsable politique.