Comment tourner une scène torride pour un film ou une série tout en respectant les gestes barrières ? Voilà une question aussi insolite que primordiale. Et aujourd'hui, elle obsède tout Hollywood. Au temps du coronavirus, baisers et autres séquences intimes suscitent angoisses et interrogations. Mais quelles mesures au juste les grands studios vont-ils donc devoir mettre en place pour assurer la santé et la sécurité de leurs équipes ?
Cette investigation du Daily Mail nous éclaire sur les moyens déployés : faire passer des tests médicaux aux actrices et acteurs avant que ceux-ci ne montent sur un plateau, prendre leur température régulièrement, laisser les assurances examiner les projets de films au peigne fin (et évaluer les risques), écouter les recommandations des syndicats et des experts de la sécurité, repenser dès le scénario ce qui est "acceptable et assurable"... Eh oui, la notion d'intimité à l'écran peut engendrer d'importantes modifications par les temps qui courent.
Plus encore, quand il est question de tournage de scènes "romantiques et amoureuses", les interlocuteurs et -trices professionnel·l·e·s convoqué·e·s par le Daily Mail (dont des "coordinatrices d'intimité", soient celles qui veillent à ce que les actrices et acteurs soient à l'aise durant les scènes de sexe), n'hésitent pas à parler de "drapeau rouge" hissé. A l'heure du "monde d'après", l'introspection est grande au sein de l'usine à rêves.
Coordinatrice de l'intimité, c'est d'ailleurs la profession de l'emblématique Amanda Blumenthal, qui a (entre autres) oeuvré pour les séries à succès Euphoria et The L Word : Generation Q. Selon l'experte, certaines productions devraient carrément virer les scènes de baisers et de sexe afin d'éviter le moindre souci de sécurité lié au Covid-19 et garantir un environnement de travail sûr. Environnement à ce point traversé de nouvelles politiques sanitaires et autres réglementations qu'il pourrait bien "nous ramener au cinéma des années 1920", ironise la spécialiste : "Au lieu d'une scène d'amour, l'on ne voyait à l'époque qu'une porte qui se fermait...".
"J'ai parlé à des acteurs et des actrices, certain·e·s disent que l'évocation de cette pandémie ne les affectera pas s'ils doivent tourner une scène intime. Mais pour d'autres, cela va faire une très grande différence. Même avant l'arrivée du coronavirus, des acteurs demandaient déjà qu'on réécrive leurs scènes. La prise de température durant le tournage pourrait devenir une pratique courante", développe Amanda Blumenthal. Pour celle qui voit en la confiance et le respect des actrices et acteurs la condition sine qua non d'un tournage, une chose est certaine : "il faudra voir avec eux s'ils sont à l'aise avec l'éventualité des risques encourus".
Davantage dialoguer avec le casting, donc, mais pas seulement : il faut aussi être certain que les compagnies d'assurances prennent en compte ces risques propres à la pandémie. "Les cadres supérieurs des agences, les studios de cinéma et les compagnies d'assurance discutent désormais de ce qui sera possible. Mais en toute honnêteté, obtenir une assurance pour couvrir la propagation d'un virus pouvant affecter des centaines d'acteurs, d'équipes et de personnel auxiliaire est un véritable défi", déplore un agent d'assurance anonyme.
Autant dire que le tournage du prochain Cinquante nuances de Grey a de quoi laisser l'industrie perplexe. Car en assurant la sécurité des acteurs, il s'agit de garantir celle d'une équipe entière. Et bien souvent, surtout quand il est question de scènes d'embrassades ou de corps à corps fiévreux, les risques sont tout simplement trop grands. Rappelons que, par-delà les dangers sanitaires encourus par les comédiens et comédiennes, les potentielles malheureuses incidences de ces tournages pourraient évidemment engendrer des poursuites...
Un challenge de taille auquel ne s'attendait pas forcément le monde du cinéma. "Afin de pouvoir recommencer à travailler ensemble - dès que les restrictions de distanciation sociale seront moins fortes - tout le monde planche déjà sur des idées pour surmonter cette situation", ajoute l'agent d'assurance. Gageons que cette période exceptionnelle ne signe pas la fin des scènes de sexe. Mais en tout cas, elle acte leur grand sommeil...