La jalousie est un vilain défaut. Cette phrase, on l'a entendue plus d'une fois. Seulement voilà, on n'y peut rien : en amour, on est jalouse. Ou plutôt, en ce moment, en amour, on est jalouse. Pas nécessairement des rencontres que pourrait faire, un jour ou l'autre, notre partenaire, mais d'une personne qui a déjà croisé sa vie et marqué son esprit. Au fer rouge, pour être précise. Son ex.
Appelons-la "N". "N" est une femme, et pas n'importe laquelle. Une femme qui a les qualités de nos défauts, et fait forcément tout mieux que nous. On le sait, on l'a vu sur les réseaux sociaux - on a même créé un faux compte pour la suivre discrétos. On n'est pas fière, mais il faut ce qu'il faut.
Ce sentiment qu'on ne connaissait pas vraiment avant, qui mêle l'envie, la colère et l'admiration, nous a pris un mardi alors qu'on regardait les photos de notre conjoint·e pendant sa douche. On est allée un peu trop loin dans le temps, plus ou moins volontairement, et on est tombée sur sa vie quelques mois, années avant qu'on n'y entre. Des dizaines de photos de vacances, de selfies qui n'avaient vraisemblablement pas été effacés par leur propriétaire. Aïe.
Aussi sûre était-on de notre couple à l'époque, on a quand même flanché. Ce n'est jamais très agréable de voir de ses propres yeux à quel point il·elle était amoureux·se, heureux·se sans nous. Et puis dans ces cas-là, notre coeur s'emballe plus que notre raison ne réussit à l'apaiser. On se compare, on se fait des films, et par la même occasion, du mal. Et puis on se demande : pourquoi sont-ils encore disponibles, ces clichés ? Erreur du cloud ou volonté de les garder pour s'y replonger chaque soir avant de se coucher ? Notre cerveau, décidément un peu maso, a décidé de croire à la deuxième hypothèse. Et de s'y accrocher dur comme fer.
Depuis, un mécanisme nocif s'est installé. Une obsession quotidienne dont l'objet n'est autre que "N". Son apparence, sa personnalité, sa vie, l'intérêt que l'être aimé·e lui porte encore, qu'on fantasme malgré nous. Et qui nous ronge un peu chaque jour. Nous, mais aussi notre relation. Car impossible de ne pas questionner l'autre, plus ou moins subtilement et plus ou moins amèrement. Ça part en vrille, on sent que ce n'est bon pour personne et qu'on finira par tout gâcher. Bref, il faut que ça cesse.
Mais comment faire pour couper court à ce schéma toxique et auto-destructeur sans y laisser trop de plumes ? Des experts donnent quelques pistes et rassurent surtout : non, on n'est pas folle et oui, ça se soigne.
"La jalousie est une émotion humaine très normale", affirme le psychothérapeute Owen O'Kane, à Stylist. "Les détails du passé de votre partenaire évoqueront naturellement un sentiment de jalousie, de comparaison ou parfois un sentiment d'inadéquation. Reconnaître ce fait et en parler est une expérience humaine saine".
Rien de mal à ne pas courir après les anecdotes de ses amours antérieures, donc. Ni même à éprouver une curiosité à double tranchant qui pousse à en savoir plus, puis à regretter d'avoir demandé. L'important restant de ne pas garder ça pour soi, et d'en parler avec la personne qui partage notre vie. A Psychology Today, le psychologue Robert L. Leahy appelle également à normaliser ces sentiments. Et surtout, à ne pas s'auto-flageller en permanence : "Ne pensez pas que vous êtes folle parce que vous [êtes jalouse]", lance-t-il.
Cela dit, les deux spécialistes invitent à surveiller notre comportement - et ses dérives dangereuses - de près : "Si vous devenez bloqué·e ou obsédé·e par l'émotion [de jalousie], cela peut entraîner beaucoup de détresse et de nombreux autres problèmes relationnels", prévient Owen O'Kane. "De plus, il est bon de se rappeler qu'elle est souvent alimentée par l'insécurité personnelle et n'a pas grand-chose à voir avec l'autre personne."
L'insécurité personnelle. Ou plutôt, LES insécurités personnelles. D'après l'expert, ce sont les réelles responsables de l'état dans lequel on se met quand on pense à l'ex. Et c'est justement en analysant l'origine du problème et en l'acceptant, que l'on peut s'en affranchir.
Car si on fouille, ce n'est pas vraiment "N" qui détruit notre santé mentale à petit feu. C'est notre manque de confiance en soi, voire en l'autre, qui en est la cause. Et la crainte d'affronter cette réalité peu réjouissante provoque un transfert néfaste. Une comparaison ravageuse, qui a des chances de nuire à notre relation. "La jalousie peut saboter les relations", assure le psychothérapeute, "mais vous avez le pouvoir d'empêcher que cela n'arrive."
Pour ce faire, plusieurs techniques, qui tournent principalement autour d'un même axe : se focaliser sur "ici et maintenant", plutôt que de regarder dans un passé qui, de surcroît, ne nous appartient pas.
"Concentrez-vous sur les qualités et les forces que vous apportez à la relation, parlez avec votre partenaire pour l'aider à comprendre mais ne cherchez pas à être rassuré·e continuellement car cela aggrave le problème, cessez de chercher des informations sur l'ex", énumère notamment l'expert. "Et concentrez-vous davantage sur vos projets d'avenir et sur ce que vous avez".
Robert L. Leahy rappelle également qu'il est essentiel de "réaliser qu'il y a une raison pour laquelle le passé est dans le passé". Certes. Il développe : "La plupart des relations se terminent pour de bonnes raisons. Peut-être que les relations passées de votre partenaire ont pris fin parce que l'un·e des deux, ou les deux, ne s'y retrouvaient plus." Et le psychologue d'insister : "Si cette relation a pris fin, il se peut qu'elle ne soit plus importante pour votre partenaire." Et qu'on projette un truc inexistant, en gros.
Loin de culpabiliser celle qui rumine, alias nous, ces conseils visent simplement à prouver que nos angoisses ne sont pas fondées. Ou en tout cas, que la source n'est pas celle qu'on croit. Et encouragent à agir pour aller mieux.
Nicola, 27 ans, explique avoir réussi à mettre le doigt sur son problème, et travailler à le gérer solo. "J'ai besoin que mon copain me rassure beaucoup sur ce qu'il ressent pour moi", livre-t-elle à Refinery29. "Je suis très consciente que ce sont mes propres insécurités qui provoquent cette jalousie, et il n'a rien fait pour que je ressente cela, alors j'essaie de ne pas laisser mes propres problèmes d'estime de soi se mettre en travers d'une bonne chose."
Justement, cette "bonne chose", il est essentiel de la garder en ligne de mire. Et faire de son bien-être perso, comme avec l'autre, une priorité. Owen O'Kane conclut : "Il est bon de se rappeler que si vous vous fixez sur un temps révolu, il y a peu de chances que vous profitiez pleinement de ce que vous avez ici et maintenant. Votre partenaire est maintenant avec vous ; parfois, vous devez simplement lui faire confiance". Alors, à nous de jouer.