Quels effets de la crise sur les villes ?
La crise économique touche les villes de plein fouet : « première conséquence, la raréfaction de l’accès à l’emprunt, deuxièmement, la stagnation des dotations de l’Etat vers les collectivités, et enfin, une diminution des rentrées fiscales, » comme l’explique Jean-Luc Bœuf, spécialiste des finances locales et auteur du site le millefeuille territorial.
Autre facteur de difficulté économique pour les villes, « la réforme de la taxe professionnelle a, depuis 2010, privé les villes de la flexibilité fiscale qu'elles avaient sur une part non négligeable de leurs revenus fiscaux, » selon Christophe Parisot, Senior Director, en charge du département Secteur Public pour la France chez Fitch Ratings. Alors qu'auparavant, les villes pouvaient moduler le taux d’imposition (dans la limite d’un maximum) de la taxe professionnelle, la principale recette qui remplace cette dernière - la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont l'assiette est assise sur la valeur ajoutée des entreprises - voit désormais son taux fixé par l’Etat. Résultat, certaines villes aux sociétés de services dynamiques en profitent, mais d’autres se retrouvent dans une position plus délicate. Cela dit, les villes conservent une certaine flexibilité de ressources avec la taxe d’habitation, les taxes foncières, et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Dans le même temps, les dépenses augmentent, et sont de plus en plus difficiles à financer. « Les villes ont un stock de dette plus important que les autres collectivités », remarque C. Parisot, « elles doivent prévoir l’amortissement de leurs dettes dans leur budget, or on retrouve souvent des emprunts risqués au niveau de cette dette structurée. » De plus selon lui, les villes n’ont pas la même capacité de désendettement selon leur taille : « les grandes villes peuvent rembourser leur dette en 6-7 ans, tandis qu’il faut 8 ans aux villes de 20 000 habitants. »
Certaines villes sont plus touchées que d’autres par la mauvaise conjoncture économique. C’est le cas des villes qui perdent des habitants : leurs dotations sont en effet calibrées en fonction de leur nombre d’habitants, or elles conservent le même équipement public et donc des dépenses fixes qui n’évoluent pas. Les villes les plus en difficulté sont aussi celles qui ont perdu leur bassin industriel, ou qui ont connu une surproduction de logements « déconnectée des besoins réels, mais favorisée par des mécanismes de défiscalisation» selon Isabelle Baraud-Serfaty, maître de conférences à Sciences Po Paris au sein du Master de stratégies territoriales et urbaines, dans son cours « La crise : menace ou chance pour les villes ? », qui cite également parmi les villes défavorisées « les territoires pauvres comme les quartiers ou les banlieues des grandes villes ».
Les villes doivent revoir leurs budgets
Cette crise n’a pas que du mauvais. En effet, elle va forcer certaines villes à mieux calibrer leur budget. « Pendant longtemps les collectivités étaient habituées à monter leur budget en fonction des dépenses qu’elles souhaitaient réaliser, aujourd’hui elles doivent s’adapter et le faire en fonction de leurs finances, » selon J.-L. Bœuf. Cela veut dire aussi que tous les projets publics ne pourront être réalisés, et qu’il faudra sélectionner les plus nécessaires ou les plus porteurs. « Par exemple, quand on envisage de construire un bassin ludique polyvalent, peut-on réduire sa superficie pour économiser des sous, ou encore quand a 20 écoles, peut-on fonctionner avec 19 ?, doit-on faire nettoyer tous les bureaux de la collectivité la semaine ou seulement 4 jours sur 5 ? » s’interroge J.-L. Bœuf. De quoi permettre aux collectivités de mettre en place des stratégies urbaines de plus long terme, et, pourquoi pas, envisager une meilleure articulation entre le public et le privé.
Les PPP, une solution ?
Les partenariats public-privé sont cependant souvent critiqués. Ainsi, J.-L. Bœuf estime que si l’association entre le privé et le public permet de gagner du temps, « elle n’apporte pas forcément de solutions de financement. » Pour C. Parisot, les PPP « n’ont pas connu le développement promis au milieu des années 2000. Les PPP représentent toutefois, pour les villes, un outil d’optimisation des services publics qu'elles doivent fournir dans le cadre de leurs compétences.»
Alain Hue, le président de Finance Consult, société spécialisée dans le conseil et l’ingénierie financière pour le secteur public, estime que les PPP « sont des procédures lourdes mais elles obligent à une étude de faisabilité, ce que ne font pas toujours les collectivités ». Les PPP, qui ont une durée de 15 ans, soufrent également d’un déficit de souplesse budgétaire, du fait qu’on ne peut pas les modifier. De plus, « c’est une procédure qui limite la place des PME qui ne peuvent pas porter de très gros projets de plusieurs millions d’euros, » estime A. Hue pour qui les PPP doivent être considérés comme un outil parmi d’autres. D'ailleurs il ne s’en fait pas tant que ça, même si beaucoup de PPP ont été réalisés dans les domaines des universités, de l’éclairage public, et des équipements de loisirs et de tourisme.
Crédit photo : Comstock
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