Au Soudan, porter un pantalon peut coûter très cher. Dix jeunes étudiantes chrétiennes en ont récemment fait les frais à la sortie d'une église baptiste de Khartoum. Âgées de 17 à 23 ans, ces jeunes femmes ont été arrêtées le 25 juin par la "police des moeurs" pour leur tenue jugée "indécente". En effet, depuis le coup d'Etat du président Omar El-Béchir en 1991, poursuivi pour génocide par la Cour pénale internationale, l'article 152 du code pénal soudanais dispose que quiconque "commet un acte indécent, un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents", peut être poursuivi et passible de flagellation.
Si l'une des jeunes femmes, Fardos Al Toum, 19 ans, a été condamnée, le 6 juillet, à une amende de 500 livres soudanaises et qu'une autre, âgée de 17 ans, a été transférée à un tribunal pour mineurs, les huit autres inculpées encourent jusqu'à quarante coups de fouet. "Il est scandaleux que ces femmes risquent d'être battues pour avoir choisi de porter une jupe ou un pantalon, a réagi Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique d'Amnesty International .
Et la responsable de l'ONG de poursuivre : "La loi sur l'ordre public est imposée de façon extrêmement discriminatoire et totalement inappropriée. Elle porte atteinte aux droits des femmes. Le Soudan doit abandonner les poursuites et libérer ces femmes immédiatement". Une nouvelle preuve de l'hostilité du pouvoir en place contre les populations chrétiennes et de celle des autorités centrales de Khartoum contre les rebelles du Kordofan du Sud. Une région située aux confins du Darfour, dont sont originaires les jeunes femmes poursuivies, en guerre depuis plus de vingt ans contre les volontés d'arabisation et d'islamisation (c'est-à-dire la volonté d'imposer aux populations la langue arabe et l'islam) du Nord du pays.
Ce n'est pas la première fois que des femmes en pantalon font les frais de l'article 152. En 2009, la journaliste Loubna Al-Hussein (ci-dessus en photo) avait décidé de briser ce tabou en allant, avec une dizaine d'autres femmes, dans un restaurant de Khartoum en pantalon. Elle avait été condamnée à payer une amende ou à recevoir dix coups de fouet. Refusant les deux options, elle avait été emprisonnée puis libérée après le paiement de sa caution de 200 dollars par l'Union des journalistes soudanais.