« Aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe ». Datant du 29 décembre 1956, cette circulaire destinée aux enseignants du primaire est sans ambiguïté : elle leur interdit purement et simplement de donner aux écoliers du travail à faire à la maison. En cause, « l'intérêt éducatif » de ces devoirs, alors jugé « limité ».
Pourtant, près de 60 ans après la promulgation du texte, rares sont les élèves qui quittent leur établissement sans une liste d'exercices à réaliser et de leçons à apprendre pour le lendemain. Selon une étude Opionway réalisée pour l'association ZupdeCo – qui milite pour la fin des inégalités scolaires – l'immense majorité des parents (97%) assure en effet que leurs enfants rentrent chaque soir avec des devoirs. Une corvée dans laquelle ils s'impliquent dans 58% des cas, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Car si un tiers d'entre-eux estiment qu'il s'agit avant tout d'un moment privilégié et de transmission des connaissances, un autre tiers n'y voit rien d'autre qu'une routine. En revanche, les devoirs constituent une véritable « source de stress et de dispute » pour le dernier tiers, rapporte Le Parisien qui s'est procuré en exclusivité les résultats du sondage. Pire encore, pour un parent sur dix qui se sent particulièrement dépassé par les enseignements scolaires, les devoirs sont synonymes d'angoisse.
Mais paradoxalement, les adultes ne sont pas prêts à se défaire de cette vieille tradition française et sont même globalement pour son maintien. Pour 83% d'entre eux, les devoirs à la maison ont un rôle essentiel dans l'acquisition des connaissances quand 30% des sondés avouent même s'inquiéter de voir leur progéniture rentrer sans aucun devoir. Aussi craints et détestés soient-ils, ces derniers représentent, dans l'imaginaire collectif, un fil rouge entre le domicile familial et l'école. D'ailleurs, près de la moitié des répondants (48%) estiment que c'est un bon moyen de contrôler et d'identifier les difficultés de leur enfant tandis que les autres (42%) les voient comme un « lien permettant de se tenir au courant de ce qu'il se passe en classe ».
Des bénéfices toutefois contredits par des études successives. En 2012, des universitaires australiens avaient ainsi démontré que plus les élèves étaient jeunes, plus les bénéfices des devoirs étaient limités. Certains acteurs de l'éducation vont plus loin, assurant que le travail à la maison contribuerait à « l'échec de l'école française ». Sur les ondes d'Europe 1, Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'Éducation de l'OCDE, a quant à lui récemment rappelé qu'« aucun devoir à la maison ne peut faire mieux qu'un suivi individualisé des élèves en difficulté au sein même de l'établissement scolaire ». Une analyse d'autant plus fondée que tous les enfants n'ont pas tous la chance d'avoir, à la maison, quelqu'un capable de les aider à faire ces fameux devoirs et ce, quelle que soit la matière étudiée. D'ailleurs si l'on en croit le sondage OpinionWay, les parents seraient moins d'un sur deux dans ce cas (47%).