David Lacombled : C’est le fruit de trois ans de réflexion et de prises de parole. L’aboutissement d’articles divers écrits pour la Revue des Deux Mondes notamment, Politique internationale ou encore la Revue Civique. Le numérique prend une place prépondérante dans nos vies et je pense qu’il est temps d’éveiller les consciences sur le fait que nous sommes face à des conglomérats, comme Apple ou Google, qui, sous des dehors sympathiques, n’en restent pas moins des sociétés très puissantes capables de dialoguer d’égal à égal avec des états.
D. L. : Aujourd’hui 80% des revenus publicitaires investis en Europe partent directement dans quelques sociétés américaines comme Google, première régie publicitaire du Web, Amazon, Facebook ou Apple. Ça ne pourra pas durer. C’est comme si des camions prenaient l’autoroute d’Espagne en Allemagne sans jamais s’arrêter en France au péage ou à la station essence. Ils endommagent la route sans contribuer à sa rentabilité.
D. L. : En effet. J’appelle à une prise de conscience des citoyens sur les données qu’ils livrent de leur plein gré et qui deviennent des produits marchands qui contribuent au système. Il faut imaginer de nouveaux processus : le citoyen devrait pouvoir se retourner, réclamer un accès à son dossier Facebook comme c’est le cas pour un salarié dans l’entreprise. Plus globalement, au lieu d’imposer de nouvelles taxes à ces entreprises, au risque de casser l’innovation, les données collectées pourraient être rendues publiques et permettre aux Etats d’améliorer la gestion des collectivités…
D. L. : Il ne faut pas chercher à batailler dans des domaines que nous ne maîtrisons pas. Mais nous avons les compétences en matière de création de logiciels, dans l’entertainment et notamment les jeux-vidéos, dans les contenus, la physique, la science. La France doit devenir un laboratoire européen dans ces domaines, et ce n’est pas seulement aux états de prendre les initiatives mais aux citoyens. Les états seront toujours en retard sur la technologie. C’est aux citoyens de se prendre en charge par l’auto-régulation, d’où la nécessité d’une éducation pour que les personnes prennent le dessus sur l’outil, et qu’elles en connaissent le modèle économique.
D. L. : Je pense que les gouvernants doivent créer un terrain favorable pour la croissance numérique en veillant notamment à ne pas taxer systématiquement des industries naissantes au profit de secteurs en déclin. Le numérique contribue déjà beaucoup à nourrir la croissance et la libre entreprise, ne lui coupons pas l’herbe sous le pied.
D. L. : Par nature, la culture est antinomique du numérique, parce qu’elle est continuité et que le second n’est que ruptures. Là où la culture valorise le local et le patrimoine, le numérique impose une visée globale et mondiale. Néanmoins cette fenêtre ouverte sur le monde est un formidable outil pour la culture, et implique une adaptation aux nouveaux supports. Le numérique constitue précisément un moyen de recréer du lien : on le voit avec des artistes qui ont trouvé le moyen de communiquer et d’exister sur Internet et qui vendent de fait plus de places de concert. Le virtuel nous rapproche in fine du réel, il faut simplement accepter le défi de transparence que le numérique impose.
D. L. : Apporter la meilleure expérience du numérique possible : un service de qualité pour consulter ses mails, regarder une vidéo ou, c’est la moindre des choses, téléphoner ! Il y a aussi une mission didactique, qui consiste à accompagner les usagers dans l’utilisation de cette « fenêtre sur le monde ». Un parti pris assumé chez Orange à travers le Talk Orange-Le Figaro, l’observatoire Orange-Terrafemina sur les révolutions numériques, ou encore les services de vidéo à la demande.
Digital citizen, Manifeste pour une citoyenneté numérique, David Lacombled, éditions Plon.
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