Elles font partie de l'aristocratie anglaise et partent en croisade contre les inégalités de genre dans leur classe sociale. Un groupe de six Anglaises vient de porter plainte devant la Cour européenne des Droits humains (qui dépend du Conseil de l'Europe et pas de l'Union Européenne) pour pouvoir siéger à la Chambre des Lords. Cette sorte de Sénat britannique est la chambre haute du pays.
Selon le journal Le Figaro : "La plainte déposée fin juillet s'appuie sur l'article 14 de la Convention européenne sur les droits de l'homme associé à l'article 3 de son Premier protocole, qui établit le droit à une élection libre".
Auparavant composée de représentants de la noblesse se transmettant le siège de père en fils, cette chambre de Grande-Bretagne a été réformée en 1958 pour que les femmes puissent y siéger. Elle est en effet également composée de membres de l'Église, des archevêques et des évêques. Or, dans l'Église anglicane, le clergé peut être féminin. Elle a subi une autre réforme en 1999, qui réserve 92 sièges seulement aux lords. Y sont représentés également des personnalités nommées par le gouvernement et qui y resteront à vie. Mais pour préserver le patriarcat et les lignées masculines, les Lords ont toujours bloqué une réforme autorisant les filles à hériter de leurs titres et donc à être élues parmi ces 92 sièges.
Charlotte Carew Pole est la cheffe de file de ces femmes au sein du groupe Daughter's right, au littéralement "les droits des filles". Elle répond aux questions du Glamour britannique et explique leur démarche : "Dans la Chambre des Lords, 92 sièges sont réservés aux pairs héréditaires et pour pouvoir se présenter à l'élection d'un de ces pairs héréditaires, il faut avoir hérité d'un titre - et pour avoir hérité d'un titre, il faut être un homme."
Elle ajoute : "Ainsi, seuls les fils peuvent hériter des titres, ce qui signifie qu'il y a 92 sièges effectivement réservés aux hommes. Nous faisons campagne pour que les femmes héritent des titres, de sorte qu'au lieu que les fils héritent de leurs filles, c'est le premier-né qui hérite, ce qui signifie qu'il devrait y avoir un nombre égal d'hommes et de femmes à la Chambre des Lords."
Les terres ou les châteaux ne sont pas la préoccupation principale de ces femmes. Sarah Long n'en a que faire. D'ailleurs le château familial a été vendu quand elle avait 16 ans. C'est ce que raconte cette galeriste de 59 ans au Daily Mail : "Je me bats pour le droit d'hériter du titre de mon frère cadet, Jamie, afin de pouvoir m'inscrire au Registre des pairs héréditaires, éligibles à l'élection à la Chambre des Lords. Avec personne d'autre dans la lignée masculine après mon frère, le titre s'éteindra. Mon père aurait été très enthousiaste à l'idée que je poursuive ce projet." Son frère ne s'est jamais marié et n'a donc pas de descendant·e. Si elle hérite de ce titre, Sarah Long souhaite se battre pour les droits des personnes handicapées.
Henrietta Hatta Byng est, elle, éditrice. A 40 ans, elle est l'aînée des trois filles de sa famille. Selon les règles actuelles, à la mort de son père, qui s'est beaucoup investi en politique, son titre ira à un cousin éloigné vivant au Canada qu'elle n'a jamais vu. Mais elle ne le fait pas pour l'argent ni le prestige comme elle le raconte au Daily Mail : "Pour moi, ce n'est pas une question de la grandeur d'un titre ou même d'hériter d'un manoir, parce que de toutes façons il n'y en a pas, il a été vendu pendant la Deuxième Guerre mondiale [...] Mon père qui est fils unique, a toujours joué un rôle actif à la Chambre des Lords et voudrait que le titre me soit donné. A l'époque, où nous avons un monarque femme, une Première Ministre et des femmes aussi éduquées que les hommes, il est curieux que la Chambre de Lords reste au Moyen-Age".
La plus jeune de ces militantes a 20 ans, il s'agit de Lady Eliza Dundas. Elle aussi n'en a rien à faire des titres ou des domaines : "Pour moi, il s'agit de l'égalité des droits pour les femmes et non pas de s'accrocher à notre patrimoine familial. Je me servirais des pairs pour mettre en lumière les problèmes de santé mentale des élèves et aider à mettre fin à la stigmatisation qui entoure cette discussion."
Charlotte Carew Pole est mère de deux enfants, Jemima trois ans et Lucian un an. Elle mène le groupe Daughter's Right pour sa fille qui ne pourra hériter du titre de baronnet de son père : "Ce n'est que dans l'aristocratie qu'existe encore l'idée ridicule qu'un fils est en quelque sorte supérieur à une fille, et cela me met très en colère que Jemima ne pourra jamais hériter du titre de son père simplement à cause de son sexe." Elle pense aussi à la pression archaïque que subissent les femmes de la noblesse britannique : "Je pense qu'il y a encore des pressions dans certaines familles pour produire un héritier et une réserve avant d'avoir une fille, et cela affecte la façon dont les enfants sont élevés."
Pour elle, "il s'agit d'un simple cas de discrimination. Les femmes n'ont pas le droit de se présenter à des élections libres et équitables à la Chambre haute, ce qui est fondamentalement inacceptable. Cela fait 100 ans que les femmes ont gagné le vote, mais nous n'avons toujours pas les mêmes droits politiques que les hommes."
Ces militantes lancent une perche au gouvernement britannique. Il pourrait décider de réformer tout de suite plutôt que d'attendre la décision de la Cour européenne des droits humains qui ne pourrait arriver que dans deux ou trois ans. Un moyen disent-elles pour la Première Ministre britannique Theresa May de surnager un petit peu dans le marasme du Brexit et de prendre une décision moderne.