Quand les gens se marient et font des enfants, ils ne s'attendent généralement pas à divorcer. Pourtant, les statistiques montrent que c'est une possibilité, et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose.
"Pour beaucoup de couples, se séparer ou divorcer est le plus beau cadeau qu'ils puissent se faire, ainsi qu'à leurs enfants", assure Elena Krasnoperova, créatrice de l'application de coparentalité WeParents, qui aide les couples séparés ou divorcés à gérer la garde partagée. "Être témoin des disputes constantes de leurs parents dans un mariage hyper-conflictuel fait plus de mal aux enfants qu'un divorce à l'amiable où les deux partenaires se mettent d'accord pour être les meilleurs parents possible."
Si vous avez pris la décision de rompre, comment annoncer la nouvelle à vos enfants ? Découvrez ci-dessous les conseils d'Elena Krasnoperova et d'autres spécialistes sur la façon d'aborder avec eux le sujet du divorce.
"Ne dites rien à vos enfants avant d'avoir réellement pris la décision de vous séparer, et d'être sûrs que la séparation aura lieu bientôt. Les enfants n'ont pas à subir l'incertitude et les volte-face", recommande Eileen Kennedy-Moore, psychologue et autrice de Kid Confidence: Help Your Child Make Friends, Build Resilience, and Develop Real Self-Esteem ("Des enfants sûrs d'eux: Aidez votre enfant à se faire des amis, à développer ses capacités de résilience et à améliorer son estime de lui-même.")
Votre partenaire et vous devez être sur la même longueur d'onde avant d'en parler à vos enfants. Ceux-ci auront besoin de temps pour digérer cette information, poser des questions et envisager un nouveau mode de fonctionnement familial. Ne leur apprenez pas la nouvelle la veille du départ d'un des deux parents.
"Je dis toujours aux parents de faire comme pour tout autre changement", indique Christina McGhee, conseillère spécialisée dans le divorce et autrice de Parenting Apart: How Separated and Divorced Parents Can Raise Happy and Secure Kids ("Parents séparés: comment élever des enfants heureux et sereins").
"Si vos enfants devaient changer d'école, vous ne les déposeriez pas un jour sans crier gare devant le portail", ajoute-t-elle. "Vous en parleriez avec eux, vous iriez aux portes ouvertes, organiseriez une journée d'essai, discuteriez de la façon dont le premier jour va se passer. Vous pouvez donc procéder de manière similaire en cas de divorce."
Elle conseille de laisser au moins une semaine ou deux aux enfants pour se faire à l'idée de la séparation, et de la leur annoncer plutôt un vendredi soir après l'école ou un samedi matin, afin qu'ils puissent profiter du week-end à la maison en famille pour y penser et poser leurs premières questions. Ne leur en parlez pas au moment du coucher ni avant de les déposer quelque part. Et souvenez-vous qu'une seule conversation ne suffira pas : il y en aura plusieurs au fil des jours.
Prévoyez ensemble ce que vous allez dire à vos enfants. Faites une liste de points à aborder, et soyez tous les deux présents pour cette discussion.
"Essayez de mettre vos difficultés de côté pour faire équipe et annoncer cette nouvelle d'un ton calme et résolu", recommande Julianne Neely, thérapeute pour enfants et directrice d'Individual and Family Connection, un cabinet de conseil pour les parents en difficulté. "Faites en sorte que ce moment soit positif et donne le ton de votre future relation de coparents. Mettez-vous d'accord à l'avance pour présenter les choses de façon claire et cohérente, avec des mots qui vous conviennent à tous les deux."
Même si des conflits existent, ne blâmez pas l'autre parent et insistez sur le fait qu'il s'agit d'une décision conjointe. Efforcez-vous de ne pas vous focaliser sur qui a fait quelque chose de mal, qui a eu une liaison, qui a décidé de partir, etc.
"Employez le pronom 'nous': 'Nous avons décidé. Nous nous disputons trop. Nous ne voulons plus être mariés. Nous allons vivre dans des maisons séparées'", conseille Sheryl Ziegler, ludothérapeute et autrice de Mommy Burnout ("Maman surmenée").
Organisez-vous en amont pour pouvoir dire aux enfants qui va habiter où, quand sont prévus les déménagements, à quels moments ils verront quel parent, qui viendra les chercher à l'école, etc. Préparez-vous à ce que vos enfants aient des réactions très diverses: mutisme, désespoir, colère, tentatives de marchandage, ou même nonchalance apparente. Ils éprouveront probablement différentes émotions au fil du temps.
"La première conversation doit avoir lieu avec tous les enfants, quel que soit leur âge", recommande Ann Buscho, psychologue et autrice de The Parent's Guide to Birdnesting: A Child-Centered Solution to Co-Parenting During Separation or Divorce ("Guide à l'usage des parents qui se séparent pour trouver les solutions les plus favorables à l'enfant").
Vous pouvez limiter cette première discussion de groupe aux informations essentielles, puis avoir plusieurs conversations individuelles adaptées au niveau de développement de chaque enfant.
"Tout ce que les tout-petits doivent savoir, c'est que les parents vont maintenant habiter deux maisons différentes, mais qu'ils les aimeront toujours", note la spécialiste. "Ils auront peut-être des questions à poser, mais pas forcément. Il est important de leur dire qu'ils ne sont pour rien dans le divorce, et qu'ils ne peuvent rien faire non plus pour améliorer les choses."
Quand vous vous adressez à de jeunes enfants, rappelez-vous qu'ils ne comprennent pas pleinement les événements et les émotions complexes : veillez donc à utiliser des mots simples et clairs, et évitez de leur donner trop d'informations.
"Les tout-petits et les enfants d'âge préscolaire prennent tout au premier degré", souligne Julianne Neely. "Ne cherchez pas à faire passer la pilule en employant des termes obscurs, des demi-vérités ou des métaphores. Utilisez les vrais mots pour désigner les choses, comme 'divorce'."
Stevie Puckett-Perez, psychologue pour enfants au centre pédiatrique Children's Health de Dallas, propose un discours adapté pour expliquer le divorce aux enfants dans le contexte d'un mariage hétérosexuel : "Papa et moi allons faire quelque chose qui s'appelle divorcer. Ça veut dire qu'au lieu d'être mariés et de vivre dans la même maison, nous allons plutôt être amis; Maman va vivre dans une maison et Papa dans une autre maison. Tu auras deux maisons et tu passeras du temps avec nous deux. Je serai toujours ta maman, et papa sera toujours ton papa. Nous t'aimerons toujours et nous prendrons toujours soin de toi."
Plus vos enfants sont grands, plus ils sont susceptibles de vous poser des questions, puisque leur capacité à cerner leur ressenti et leur conscience du monde se développe avec l'âge. Continuez à être clair·e·s et à leur fournir des informations concrètes, adaptées à leur âge.
"Demandez-leur s'ils ont des amis dont les parents sont divorcés et comment cela se passe pour eux", suggère Eileen Kennedy-Moore. "Expliquez-leur en quoi votre situation est similaire ou diffère de celle de leur ami·e."
Insistez là encore sur le fait que vos enfants ne sont pas responsables de cette situation, que vous les aimerez toujours et resterez leurs parents. Expliquez-leur que deux bonnes personnes ne forment pas toujours un bon couple, et que vous serez tous les deux plus heureux en vivant séparément. Dites-leur ce qui va changer et ce qui va rester comme avant.
Les préadolescents et adolescents voudront peut-être avoir davantage d'informations ou s'investir d'une manière ou d'une autre. Il est donc crucial que vous vous mettiez d'accord avec votre partenaire sur ce que vous êtes prêts à leur confier pour les aider à digérer ce changement.
"Il est inutile de leur expliquer vos raisons, surtout si l'un des conjoints a été infidèle", recommande Ann Buscho. "Mieux vaut leur dire : 'Nous avons essayé mais nous ne sommes plus heureux ensemble.' Aucun des parents ne doit blâmer l'autre, même si l'un des deux ne veut pas divorcer. Les enfants ne comprennent pas les relations entre adultes et certainement pas le mariage. Veillez donc à ne pas partager avec eux des informations inadaptées (liaisons, problèmes sexuels, etc.)."
"Expliquez à l'enfant qu'il n'a pas à prendre parti, et qu'il ne doit pas le faire", insiste Eileen Kennedy-Moore, soulignant que les enfants ont souvent l'impression d'être pris entre deux feux.
Insistez sur le fait que ce n'est pas parce que vous avez des problèmes avec l'autre parent que l'enfant doit en avoir aussi. Le couple est terminé, mais la famille continue.
"Quels que soient vos sentiments envers votre ex-conjoint·e, efforcez-vous de faire passer l'intérêt de vos enfants avant tout", déclare Elena Krasnoperova. "Dans la plupart des cas, en dehors de situations extrêmes comme des violences, des addictions sévères ou des troubles mentaux graves, il vaut mieux pour les enfants que les deux parents continuent à faire partie de leur vie."
Vous pouvez être en conflit avec votre ex, mais l'objectif est que vos enfants aient une relation positive avec leurs deux parents.
"Si vous êtes dans une situation où l'autre dit à vos enfants des choses qui selon vous ne sont pas vraies, ne le contredisez pas mais expliquez aux enfants que ce n'est pas votre façon de voir", suggère Christina McGhee. "Si la mère a dit : 'Tout est de la faute de Papa, c'est lui qui est parti', le père peut répondre quelque chose comme: "Maman a l'air d'être très en colère, et les gens disent parfois des choses méchantes quand ils sont énervés. Je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle a dit. Je vois les choses différemment.'"
En plus de leur dire explicitement qu'ils n'ont pas à en vouloir ou avoir des sentiments négatifs vis-à-vis de votre ex, donnez-leur l'exemple.
"Efforcez-vous de limiter l'exposition des enfants aux disputes", recommande Sheryl Ziegler, qui suggère de maintenir des échanges amicaux en bavardant ou en se souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année. La spécialiste conseille également aux parents de s'assoir côte à côte aux matchs ou aux concerts de leurs enfants pour qu'ils n'aient pas à décider qui saluer en premier.
"Parlez en termes positifs l'un de l'autre", renchérit Julianne Neely. "Les relations des enfants avec leurs parents ont une profonde influence sur la façon dont ils se perçoivent et sur leur développement général. Si difficile que cela puisse être parfois, rappelez-vous qu'il est important que votre enfant ait une relation saine avec chacun de vous deux."
Essayez de mettre de côté votre ressentiment vis-à-vis de votre ex afin de donner à vos enfants l'exemple d'un comportement sain et d'apprendre à être un coparent efficace. Dans les moments où vous avez envie de critiquer votre ex ou d'exprimer des émotions négatives, retenez-vous de le faire devant vos enfants, même si vous êtes très proches. Parlez-en plutôt à un·e ami·e, un·e thérapeute ou un·e adulte de votre entourage.
Un divorce provoque de nombreux changements, mais conserver une forme de stabilité aide les enfants à mieux vivre cette transition. C'est particulièrement important pour les jeunes enfants. Arrangez-vous pour qu'ils fassent les mêmes activités, les mêmes tâches ménagères et puissent inviter leurs amis à la même fréquence qu'auparavant. Essayez de respecter le calendrier prévu pour chacun des deux parents.
"Les règles ne seront pas forcément les mêmes dans les deux foyers, mais vous et votre ex devez rester cohérents sur certains principes de base", souligne Reena B. Patel, psychologue spécialiste de l'éducation et autrice de Winnie and Her Worries ("Les soucis de Winnie"), un livre pour les enfants souffrant d'anxiété. "Les horaires des repas, du coucher et des devoirs, par exemple, doivent être réguliers. Cela permet de créer un sentiment d'appartenance, de sécurité et de prévisibilité pour les enfants."
Les enfants ont besoin de se sentir en sécurité et chez eux dans les deux foyers. Vous pouvez afficher des photos de famille dans les deux logements et garder bien en vue un calendrier où sont clairement indiqués les emplois du temps de chacun.
"Mettez l'accent sur ce qui va rester comme avant: ils continueront d'être aimés, choyés et en sécurité", conseille Julianne Neely. "Si votre enfant se sent aimé et considéré tout au long du processus, cela lui servira de bouclier contre le stress du divorce."
"Il est essentiel de les rassurer", insiste Ann Buscho. "Admettez que c'est triste et difficile, que personne ne souhaite vivre ça et qu'il est normal de ressentir toutes sortes d'émotions, mais que 'tout ira bien'".
Rassurer les enfants passe aussi par des gestes d'affection comme les étreintes et les câlins. Répétez-leur qu'ils n'ont rien à voir avec le divorce, que ce n'est pas leur faute. Il arrive simplement que des relations amoureuses évoluent avec le temps, et même si les parents peuvent ne plus s'aimer, ils ne cesseront jamais d'aimer leurs enfants.
"C'est une décision qui concerne les adultes, mais vous êtes toujours une famille, sous une autre forme", résume la psychothérapeute Kathryn Smerling.
Faites de votre mieux pour maîtriser vos émotions en leur présence. Si vos enfants s'inquiètent de votre bien-être, assurez-leur que ce n'est pas à eux de vous réconforter ni de prendre soin de vous. Il y a d'autres adultes pour tenir ce rôle.
"Après avoir eu ces conversations et démarré le processus de divorce, encouragez vos enfants à prendre aussi en considération les bénéfices de la séparation", suggère Stevie Puckett-Perez. "Y a-t-il des bons côtés ? Que ce soit des choses concrètes comme d'avoir maintenant deux maisons, de pouvoir fêter deux fois son anniversaire, Noël, etc., ou plus abstraites comme le fait que les parents peuvent profiter du temps passé avec eux sans avoir l'esprit ailleurs à cause des tensions ou des disputes."