On vous propose un défi. Attention, pour ce défi, vous devait vous munir d'un casque anti-émeute et d'un "gilet pare-lancer de gigot". Ensuite on vous conseille un atelier sur la communication non-violente.
Voilà, vous êtes prêt·es ? Vous allez pouvoir lancer le sujet écriture inclusive au déjeuner dominical !
Mais dans votre porte-munition vous allez avoir une arme fatale : le livre Le langage inclusif : Pourquoi comment.
Ce petit livre publié aux éditions iXe est une mine d'information sur la réalité de ce qu'est l'écriture inclusive, loin des idées toutes faites dont elle souffre. La terre entière se focalise par exemple sur le point médian alors qu'on peut écrire tout un texte sans.
On ne pensait jamais s'enthousiasmer pour un livre de grammaire, mais celui-ci est passionnant. Il raconte l'histoire des jeux de pouvoir dans la langue française et notamment la masculinisation de la langue française au fur et à mesure de l'histoire récente.
Eliane Viennot nous trace l'histoire du fameux "masculin l'emporte sur le féminin" qu'on nous inculque dès le plus jeune âge et nous explique ce qui avait court avant : l'accord de proximité.
À l'époque moderne, les débats vont bon train. Ainsi le grammairien Nicolas Beauzée écrivait en 1977 : "Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle."
Cette règle absurde inventée par les masculinistes fait raconter par Eliane Viennot cette anecdote : "Le dogme inventé au XVIIe siècle nous oblige en effet à énoncer : 'Deux cents petites filles, leurs sept institutrices et un chat sont morts dans l'incendie. 'Ce qui fait dire à certaines petites filles (la chose m'a été rapportée par une institutrice) : 'Même un chat, ça l'emporte sur moi ?'".
L'autrice s'amuse de cette anecdote et questionne : "Ferait-on dire à des hommes : 'Deux cents petits garçons, leurs sept instituteurs et les trois souris qu'ils avaient dans une cage sont mortes dans l'incendie' ? La règle inversée, comprendrait-ils l'argument du 'c'est comme ça' ? Sûrement pas."
On y découvre des explications d'histoire de la grammaire absolument passionnantes, avec par exemple ce passage sur le pronom personnel attribut la : "Alors que les hommes disaient 'Fidèle, je le suis' et les femmes 'Fidèle, je la suis', voir tous ensemble 'Fidèles, nous les sommes', des grammairiens se mettent à tiquer.
Les femmes devraient dire le, parce que ce pronom "ne se rapporte pas à la personne, [...] mais il se rapporte à la chose", estime le grammairien Vaugelas.
Cette masculinisation de la langue a également fait disparaître les mots qualifiants des femmes avec des métiers prestigieux : ce qui n'est pas dit n'existe pas.
Comme l'explique très clairement Eliane Viennot : "Ce dont il est question, à cette époque, c'est d'empêcher les femmes de se dire 'poétesse, philosophesse, médecine, autrice, peintresse, etc..."
Que c'est bon et que c'est beau de se réapproprier ces mots que des hommes mal attentionnés nous ont retiré. C'est politique. Utiliser l'écriture inclusive, c'est aussi réattribuer une place aux femmes dans le discours. Toutes ces activités spécialisées qui mettent les femmes en concurrencent avec les hommes et qu'on a fait disparaître.
Pourquoi, alors qu'on dit bien, lecteur/lectrice, acteur/actrice, ne peut-on plus dire autrice ? Pourquoi ce mot perce-t-il tant les tympans, brûle des yeux ? Parce que ces métiers de pouvoir et de savoir-faire concurrence les hommes.
Voilà comment à petit coups de balayette progressifs, nous, les femmes, avons disparu de la langue. L'écriture inclusive, c'est aussi une manière d'accueillir dans la langue les personnes qui se voient dans des genres différents, loin des carcans d'une langue genrée.
Alors pour tout savoir et ne plus faire d'erreur, on court s'acheter Le langage inclusif : Pourquoi, comment, on l'offre à Noël à oncle Bernard qui nous vocifère qu'il ne s'y mettra jamais. On le prête et on en parle.
Le langage inclusif : Pourquoi, Comment, par Eliane Viennot, postface de Raphaël Haddad et Chloé Sebagh de l'agence Mots-Clés, Edition iXe, 126 pages, 15 euros.