Après son Petit guide de la foufoune sexuelle, tome 1, destiné aux enfants dès 4 ans, l'artiste militante et fondatrice du Gang du clito Julia Pietri signe un deuxième volet, cette fois pour les ados à partir de la puberté. Un ouvrage aussi important qu'esthétiquement réussi, qui donne envie de l'ouvrir et d'en parcourir toutes les pages, pour mieux (s')informer. Et surtout prône une idée essentielle : l'éducation sexuelle égalitaire, tout en bienveillance et en inclusivité. Entretien.
Julia Pietri : Pour moi, c'est une éducation sexuelle que l'on va déconstruire de tout mythe patriarcal et de toute fausse idée misogyne, pour replacer en son centre la notion d'égalité femme-homme.
A la puberté, le sujet qu'il faut absolument déconstruire, c'est la première fois. On dit encore aux filles que c'est normal d'avoir mal lors du premier rapport. Alors qu'en réalité, pas du tout. On ne questionne pas pourquoi il y aurait cette norme de la douleur lors de la première fois, ce qui fait que toutes les femmes hétéros entrent dans la sexualité par la douleur. Ce qui est hyper symbolique car dès le début, le plaisir n'est pas associé à la sexualité et ensuite, c'est le chemin de bataille pour le retrouver.
L'éducation égalitaire, c'est donc réussir à déconstruire, épurer et revenir avec un discours bienveillant pour que les nouvelles générations se construisent de manière beaucoup plus inclusives, féministes, avec beaucoup moins de complexes.
J. P. : On gagne du temps, quand on ouvre la porte magique du féminisme et qu'on déconstruit petit à petit des choses qui nous ont bloquées et qu'on se libère d'acquis enfermants. On met beaucoup de temps à se déconstruire, et avec une éducation sexuelle égalitaire, on a moins de déconstruction à faire. Ce que ça change, c'est la notion de se remettre au centre.
Chacun·e est au centre de sa propre sexualité, de son corps, de son identité. On s'approprie son soi, et c'est ce qui nous a manqué. Cette métamorphose féministe est un retour à la réappropriation. Pour les jeunes générations, j'espère qu'il y aura l'égalité du coït, et que finalement le rapport sexuel ne sera plus juste réduit à l'orgasme masculin qui dicterait la temporalité du rapport ou de l'acte.
J. P. : C'est assez éparse en réalité, et cela va dépendre des établissements. Le programme est basique et tout va dépendre de l'intervenant·e : s'iel est génial, c'est cool, sinon, c'est nul. Aussi de l'investissement de chaque établissement, et de ce qu'il va mettre en place en plus pour éveiller cette question-là. Ce sont des sujets touchy donc beaucoup ne veulent pas d'intervenant·es. Dans le programme scolaire, le clitoris a été intégré en seconde. Au collège, il n'y est toujours pas. Nous sommes très en retard en fait.
J. P. : Mon conseil est tout d'abord de créer un dialogue très tôt. C'est pour cela que Le petit guide de la foufoune sexuelle, tome 1 parle aux enfants dès 4 ans, du consentement notamment. C'est un sujet politique qui ne s'arrête pas en dessous de la ceinture. Les enfants, plus ils sont jeunes, plus c'est facile de leur en parler car ils ont un rapport au corps qui n'est pas dans la sexualité qu'on peut projeter en tant qu'adulte. Donc il faut un dialogue très jeune, dès 4 ans.
Parler de consentement, c'est essentiel. Essayer de se remettre à la place de nos enfants également en ayant ces conversations ; nous sommes vraiment déformés par la sexualité et par ce qu'on pense de la sexualité. Laisser l'enfant et l'ado s'inventer, créer son identité. Enfin, avoir un livre qu'on peut ouvrir qui évoque ces sujets - la masturbation, les dérives du porno - sans avoir à avoir ces discussions avec leurs parents si ça les gêne, mais en obtenant quand même les ressources nécessaires.
J. P. : Je travaille plutôt de manière empirique : je pars de moi et je revis mon adolescence, mes complexes, et ce que je ne comprenais pas au collège, entre ami·es et avec mes premiers amoureux. Je vais ensuite l'adapter en utilisant le "je". Je parle aux lecteur·ices, je vais leur livrer mon vécu en disant "il m'est arrivé ci, ça". Sur les réseaux sociaux, je vais poser des questions, analyser les réponses, les publications, voir quelles sont les problématiques actuelles. Le dernier chapitre qui est dédié aux violences diverses, j'ai tenu à mettre l'accent sur le harcèlement après ces recherches. A mon époque nous n'avions pas les mêmes violences, aujourd'hui, elles sont surtout numériques.
J. P. : Je pense que traiter le pénis en érection au même titre que le clitoris en érection est un sujet méconnu, le fait que les premières fois ce n'est pas normal d'avoir mal et qu'au contraire, sexualité = plaisir et non douleur, ou encore que la pénétration n'est pas automatique, sont également des notions qui ne sont pas actées pour les jeunes générations.
Et puis, le fait d'apprendre à se masturber et à avoir des orgasmes avant d'avoir une sexualité partagée. Il y a des filles qui ne se sont jamais masturbées, touchées, n'ont jamais regardé leur vulve, et si quelqu'un d'autre vient les pénétrer en premier, avant qu'elles se soient elles-mêmes découvertes et caressées, ça ne va pas être facile, ça va forcément leur faire mal.
Découvrir le plaisir par elles-mêmes, trouver ses zones de plaisir, se procurer des orgasmes, pour par la suite trouver ce qui en est à l'origine et en devenir maîtresses : c'est la clé d'une sexualité épanouie.
Le petit guide de la foufoune sexuelle, tome 2, de Julia Pietri