Le 30 juillet dernier, lors du second débat pour la primaire démocrate, ses punchlines ont envoûté les foules. En particulier lorsqu'il s'est agit de clouer le bec à son concurrent John Delaney par un cinglant : "Pourquoi s'embêter à être candidat à la présidence des États-Unis si c'est juste pour parler de ce qu'on ne peut pas faire ?". Bref, avec ses formules-choc, sa tenue stricte, sa posture pleine d'assurance et son phrasé solide, Elizabeth Warren a tout d'une prétendante sérieuse pour la prochaine course à la présidence.
Pourtant, par-delà les territoires états-uniens, on connait finalement peu le parcours de la sénatrice du Massachusetts. Après avoir détonné lors de ses invectives estivales, et en attendant le troisième débat, qui aura lieu en septembre prochain, une question se glisse sur toutes les lèvres : qui êtes-vous vraiment, Elizabeth Warren ?
Réponse simple : Elizabeth Warren, 70 ans, est la sénatrice du Massachusetts depuis sept ans désormais. C'est une politicienne aux valeurs progressistes. Ses ambitions ? Rendre l'accès au logement plus accessible pour les classes laborieuses. Augmenter en parallèle les impôts des "ultra-riches" - la upper class. Alléger la dette des étudiants. Réformer l'enseignement supérieur. Warren s'oppose également aux lois anti-avortement de plus en plus répressives qui sévissent dans certains Etats.
Après avoir annoncé sa candidature à la présidence en février dernier, elle compte bien ramener le Parti Démocrate à la Maison Blanche. Et tenter de corriger quatre ans de dérives trumpiennes.
On s'en doute, Elizabeth Warren se préoccupe des classes étudiantes. Pas si surprenant de la part de cette ancienne enseignante d'école primaire. La candidate et mère de famille porte un background solide. Vingt ans passés à la Harvard Law School, trente à enseigner le droit. Et des premières mesures mises en place en compagnie de l'ex-président Barack Obama : en 2008, alors que l'Amérique est ébranlée par la crise des subprimes, elle contribue à la création du Bureau de protection financière des consommateurs.
Quoi de plus logique, pour cette passionnée d'économie, préoccupée par la régulation du capitalisme, les enjeux financiers (au coeur de ses dix livres, de Le droit des débiteurs et des créanciers à Crédit garanti: une approche systémique) et la responsabilisation des grandes entreprises ? Quatre ans plus tard, elle est élue sénatrice du Massachusetts face au candidat républicain Scott Brown (avec 54% des voix) et remporte sans grande difficultés sa réélection en 2018.
Celle que le magazine TIME a sacrée comme l'une des cent personnalités les plus influentes du monde s'est engagée auprès des minorités opprimées en défendant publiquement le mariage homosexuel, la réforme de l'immigration et le droit à l'avortement. Elle accorde également une certaine importance à la légalisation de la marijuana et au contrôle des armes à feu - un enjeu national majeur. Des idées très "démocrates" en soi et qui, avouons-le, tranchent plutôt avec celles de l'actuel Président des Etats-Unis.
Trump, justement, ne la porte pas dans son coeur. Le président américain la surnomme "Pocahontas". La raison ? En 1996, alors que la Harvard Law School se voit fustigée pour son manque de figures féminines appartenant à une minorité, Warren revendique son héritage amérindien. Selon les dires, sa lignée familiale ne serait pas si éloignée de la communauté Cherokee. Cependant, aucune documentation solide ne pouvait alors appuyer ces propos, comme le rappelle Stylist. Il n'en fallait pas plus à Donald Trump pour lui trouver ce surnom...
En octobre 2018, les résultats d'un test ADN contredisent les sarcasmes du républicain : la sénatrice aurait a minima un ancêtre amérindien, émanant des six et dix générations antérieures. Une tambouille interne qui a valu à la politicienne d'être remise en question par ses adversaires : se soucie-t-elle réellement des droits des populations autochtones ? Mais ce débat n'est pas au coeur des préoccupations citoyennes.
Sur les réseaux sociaux, d'aucuns l'imaginent déjà face au milliardaire. "Warren est le pire cauchemar de Trump : elle est très intelligente et totalement irréprochable", assure une internaute. Toujours est-il que celle qui en 2016 soutenait Hillary Clinton (au sein d'un parti démocrate alors divisé) est habituée aux combats de boxe rhétorique, qu'ils se fassent sur la Toile ou sur scène. C'est dire si en cas de coup bas "trumpien", la sénatrice est particulièrement apte à lui renvoyer la pareille.
Et ce n'est pas que son "intelligence" qui la sépare de l'ancienne star de télé-réalité. Comme l'énonce Business Insider, Warren soutient les droits des personnes transgenres, y compris celui des détenus à assurer leur transition. Contrairement à l'adepte de la "méthode forte", elle appelait l'an dernier au retrait immédiat des troupes américaines d'Afghanistan, de Syrie et d'Irak. Sensible aux enjeux écologistes, elle soutient l'initiative Green New Deal, en faveur d'une transition énergétique nationale 100% propre et renouvelable (étalée sur dix ans) et s'oppose farouchement au forage, sur terre et en mer. Ouvertement opposée à la peine de mort, elle n'hésite pas à critiquer le "racisme" du système de justice pénale américain. Enfin, à l'écouter, "les immigrants qui cherchent refuge dans notre pays ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale". De quoi horrifier le misogyne orange.
Parmi les dix livres qu'elle a écrit de sa main, un terme revient : combat. A fighting chance, This fight is our fight... "Ce combat est notre combat" : une assertion aux allures de slogan présidentiel. Les sondages lui sont aujourd'hui favorables et la positionnent en tête de liste, aux côtés de l'emblématique Bernie Sanders. A en lire les résultats des questionnaires lancés par Business Insider, Warren est perçue comme une "candidate très expérimentée" et propice "aux rigueurs de la présidence", suscitant "la sympathie" et dégageant une image crédible, notamment de par son expérience de professeure d'université et sa défense du droit des consommateurs.
Pourrait-elle renverser Trump en 2020 ? Les prochains mois en diront plus sur la potentielle issue d'un combat qui se fait encore attendre.