Emma Watson poursuit son combat pour l'égalité entre les genres. Après son discours poignant au siège de l'ONU, l'actrice continue sa campagne baptisée HeForShe. C'est cette fois aux inégalités dans la mode qu'elle s'intéresse. Avec le Vogue anglais, dont elle fait la couverture ce mois-ci, la jeune actrice a tourné une vidéo dans laquelle elle veut instaurer un dialogue avec l'industrie de la mode. Pour cela, elle a convié les créateurs anglais Stella McCartney, Jonathan Saunders, Erdem Moralioglu et Bella Freud pour discuter de l'égalité des sexes dans ce secteur.
La mode, profondément associée à l'univers féminin, semble pour beaucoup déconnectée des inégalités dues au genre que connaît le monde du travail. Comme le dit Jonathan Saunders, "Quand on rentre dans l'industrie de la mode, il est très facile d'avoir l'impression d'être dans un environnement très libéré où femmes et hommes sont traités pareils, où il ne semble pas avoir de traitements préférentiels par rapport au genre. Il est donc simple, je pense, de négliger que cela soit un vrai sujet." Et pourtant. La mode est une industrie comme les autres, où les femmes doivent encore se battre : inégalités de salaire, congés maternité,... Dans la mode comme ailleurs, hommes et femmes ne sont pas logés à la même enseigne.
Un exemple particulièrement frappant s'observe en regardant le calendrier des Fashion Weeks. Que ce soit pour le prêt-à-porter femme ou homme, on se rend rapidement compte que la majorité des couturiers qui y défilent sont des hommes. Sur les 60 collections présentées lors de la Fashion week parisienne femme pour l'hiver prochain, près de 60 % d'entre elles avaient comme directeur artistique un homme. Trois défilés étaient pensés par un couple mixte et le reste était géré par des femmes. Dans la mode aussi, atteindre les postes hauts placés reste compliqué pour les femmes.
Mais la lutte pour l'égalité dans le monde du travail doit s'effectuer pour tous les secteurs. Si Emma Watson s'intéresse tant à la mode, c'est avant tout que cette dernière renvoie une image forte et influente auprès de la population. "La façon dont sont représentées les femmes par la mode est un sujet important et nous devons être attentifs aux images que nous produisons", souligne Jonathan Saunders.
La mode est en effet souvent montrée du doigt pour la vision de la femme qu'elle renvoie. On ne compte plus les scandales autour de mannequins trop maigres ou même retouchées à l'excès qui poussent les femmes à vouloir ressembler à des modèles irréels. Une vision hyper-sexualisée d'une femme objectifée dans certains shootings photo est aussi décriée, comme lorsqu'une campagne Dolce & Gabbana faisait tristement penser à une scène de viol collectif . "Nous devons donner un meilleur message aux femmes de toute taille, tout âge et toute nationalité, pour leur permettre de se sentir confiante", rétorque Stella McCartney.
Et cela passe par une meilleure représentation de la diversité, dans toutes ses formes, notamment ethnique. À l'occasion de la dernière fashion week de New York, le site The Fashion Spot a recensé les mannequins qui ont travaillé lors des 93 défilés. Le chiffre est affolant : 77,4 % d'entre elles étaient blanches. Il y a quelques semaines, c'est le magazine Teen Vogue qui faisait scandale en illustrant un article sur les cheveux afros avec un mannequin blanc. Emma Watson veut donc faire bouger les choses dans cette industrie où il persiste encore trop de "sexisme" et de "racisme".
S'il est primordial pour l'actrice de s'attaquer à ce secteur, c'est qu'il représente un pouvoir phénoménal. "La mode a un grand rôle à jouer", souligne Stella McCartney. Parce que celle-ci a un rayonnement mondial, elle permet de toucher un nombre important de personnes. Par l'ampleur de sa stature, décuplée par les stars et les autres industries qui collaborent avec elle (le cinéma, la musique, ...), la mode est un moyen de transmission d'idées efficace.
D'autant que de tout temps, la mode a accompagné les changements de la société et principalement l'émancipation de la femme. La fin du corset ou l'avènement de la minijupe sont des événements qui ont, de près, eu un impact dans la lutte féministe. Elle a aussi permis de défendre et donner de la visibilité à des minorités à des époques où celle-ci n'en avait que peu, comme lorsque Yves Saint Laurent faisait défiler des mannequins noires pour sa haute-couture des eighties ou que Jean Paul Gaultier choisissait des "gueules" atypiques dans ses castings.
Aujourd'hui, il semble important pour beaucoup de relancer le rôle émancipateur de la mode. Il est grand temps. D'ailleurs, une vague de féminisme a récemment soufflé sur les défilés . Pour la collection de l'été 2015, les mannequins Chanel défilaient sous des pancartes "Make history HER story" ou "Ladies First". Les slogans s'affichaient même sur des pochettes à 5 000 euros. Reste désormais à savoir s'il s'agissait d'un simple buzz ou si les convictions féministes continueront à imprimer la sphère fashion.
"La mode est ce qu'on en fait, rappelle l'historienne Valerie Steele à VMagazine. C'est le résultat de choix collectifs." Il appartient à tous, créateurs comme clients, de l'utiliser pour promouvoir l'égalité.