L'an dernier, le bilan, déjà, était catastrophique.
Deux ans après le retour au pouvoir des Talibans à Kaboul, ONU Femmes France insistait effectivement déjà sur la situation préoccupante des femmes en Afghanistan, "s'aggravant de jour en jour", contexte exigeant notamment le recours à une assistance humanitaire pour 13,8 millions de citoyennes afghanes. "Les talibans font non seulement reculer des décennies d'avancées difficiles en matière d'égalité de genre, mais freinent également les maigres perspectives de prospérité du pays", pouvait-on lire dans un rapport très détaillé.
Qu'en est-il aujourd'hui de ce pays qualifié par l'ONG de "plus répressif au monde pour les femmes" ?
Et bien, trois ans après la date du 15 août 2021, organisations et défenseurs des droits humains continuent de tirer la sonnette d'alarme. Une très complète enquête de franceinfo détaille l'étendue des dégâts : alors que plus de 90% de la population nationale "ne parvient pas à couvrir les besoins alimentaires de base", l'ONG Human Rights Watch (HRW) dénonce "la pire crise des droits des femmes au monde"...
On vous explique pourquoi.
Est-il encore utile de détailler la façon, plurielle, dont cette répression de genre s'exprime ?
Synthétisons : exclusion des filles du champ des études supérieures, tutorat imposé à leur encontre, port du burka exigé, femmes écartées des rôles politiques et de la plupart des postes de la fonction publique, soumises généralement au foyer, fermeture de médias féminins, sans oublier le taux de mariages forcés, ou encore la limite excessive imposée à leurs capacités de déplacement.
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, avait trouvé des mots fortes mais on ne peut plus éloquents à ce propos : "Il ne fait aucun doute que tout ceci est une guerre contre les femmes – bannies de la vie publique, empêchées d'accéder à l'éducation, visées par des interdictions de travailler et de se déplacer librement, emprisonnées, soumises à des disparitions et torturées"
Une guerre contre les femmes mise en lumière par franceinfo, qui s'alarme d'un pays tiraillé entre "insécurité alimentaire et explosion de la pauvreté", imposant aux femmes "70 décrets comportant de nombreuses restrictions ou interdictions" allant de la tenue vestimentaire à la ségrégation sur les lieux de travail, monde professionnel par ailleurs bouleversé : 60 000 emplois occupés par des femmes ont effectivement été purement et simplement réduits à néant.
Autonomie financière et liberté de circulation totalement bafouées (parcs, salles de sport et hammams interdits aux femmes), taux de violences conjugales, de châtiments corporels, de dépressions voire de pensées suicidaires accru en retour, mais également d'intimidations.
La journaliste afghane Hamida Aman le déplore à franceinfo : "On isole les femmes en les cloîtrant chez elles. On s'attend à ce qu'ils nous disent de ne plus sortir. On étouffe la population féminine"
Roza Otunbayeva, la Cheffe de la mission d’assistance de l'ONU en Afghanistan, s'en inquiétait déjà en 2023 : "Les Talibans prétendent avoir uni le pays, mais ils l’ont aussi sévèrement divisé par sexe. À un moment où l’Afghanistan a besoin de tout son capital humain pour se remettre de décennies de guerre, la moitié des médecins, scientifiques, journalistes et élus potentiels du pays sont enfermés chez eux, leurs rêves brisés et leurs talents confisqués. L’Afghanistan sous les Talibans reste le pays le plus répressif au monde en ce qui concerne les droits des femmes"
Agnès Callamard, toujours, s'en est inquiétée à l'unisson : "Les afghanes sont contraintes de vivre comme des citoyennes de seconde zone. Elles sont réduites au silence et rendues invisibles"
Invisibles, à l'image d'une population globale, ultra précaire ?
franceinfo le constate : "après trois ans d'administration talibane, l'Afghanistan reste l'un des pays les plus pauvres du monde. La pauvreté touche la moitié de la population, avec un taux de chômage élevé. L'accès au marché du travail est limité pour les femmes, ce qui réduit les sources de revenus de nombreuses familles. Plus de 90% de la population ne parvient pas à couvrir les besoins alimentaires de base"
Un bilan qui suscite une réflexion collective : dans bien des sociétés, le respect voué aux droits des femmes en dit souvent long sur le respect voué aux droits humains.