"Avec le groupe armé État islamique, la violence sexuelle commise à l'égard des femmes a atteint des sommets jamais vus dans l'histoire de la guerre." Invitée à témoigner lors d'un sommet sur l'Etat islamique au Québec, Zainab Bangura, chargée pour les Nations Unies de la question des violences sexuelles en période de conflit, a fait un compte-rendu saisissant de la situation dans les pays où sévit l'organisation lors d'une entrevue organisée par Avocats sans frontières.
La haute fonctionnaire sierra-léonaise, à laquelle le New York Times vient de consacrer un beau portrait, a en effet recueilli de nombreux témoignages tous aussi atroces les uns que les autres au sujet des traitements infligés aux femmes lors de son voyage en Irak et en Syrie. Si les pratiques de l'organisation, qui a établi une grille des prix de vente des femmes réduites en esclavage en fonction de leur âge, et érigé des règles pour les femmes voilées irréprochables ont fait l'objet d'articles, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Parmi les récits effroyables rapportés par Zainab Bangura à la suite de son voyage au Moyen-Orient, l'histoire de cette jeune femme qui a été vendue comme esclave sexuelle à 22 reprises et dont l'hymen a été recousu à chaque fois pour faire croire qu'elle était encore vierge, ou celle de cette autre, vendue à 15 hommes en l'espace d'une année.
Selon le New York Times, Zainab Bangura aurait déclaré après avoir eu vent de cette histoire terrible : "Violer une femme demeure impuni. C'est là mon plus grand problème. On ne sévit pas assez", explique-t-elle. "Dans tous les pays où j'ai eu à confronter les dirigeants sur les crimes sexuels commis sur les territoires, il y a une culture très ancrée de déni et de silence. Mais l'EI aime publiciser ses atrocités et c'est pourquoi c'est un ennemi redoutable", renchérit la responsable du dossier aux Nations Unies au site Le Soleil.
Au Québec, la représentante spéciale des Nations Unies a exposé la stratégie de l'État islamique derrière les violences infligées aux femmes. "Elles sont violées à répétition et harcelées parce que leurs bourreaux souhaitent qu'elles procréent. Ils veulent des enfants reproduits sur leur modèle puisque c'est de cette façon qu'ils réussiront à construire leur État", a-t-elle expliqué. Les femmes qui parviennent à échapper aux griffes de l'Etat islamique mettent au monde des nouveaux-nés sans nationalité, car la reconnaissance des enfants passe dans ces pays par le père, un autre problème pour lequel les Nations Unies cherchent des solutions.
"Les dirigeants du groupe armé EI ont compris que la meilleure façon de déshumaniser une société, c'est de s'en prendre aux femmes et aux enfants. Ils savent qu'aucun homme ne va pardonner à quelqu'un qui a violé sa douce moitié ou sa progéniture. Cela rend la réconciliation impossible et c'est voulu", explique Zainab Bangura.
Zainab Bangura, qui est elle-même us fervente musulmane, dénonce l'utilisation par les membres du groupe armé EI de l'Islam pour perpétrer leurs horreurs à l'égard des femmes, qui rend ces violences sexuelles encore plus difficiles à combattre. Cent vingt intellectuels de confession musulmane se sont même adressés aux dirigeants de l'EI pour dénoncer leurs actes, qui ne sont pas conformes aux enseignements de leur foi.