Lorsqu’on évoque Georges Wolinski, on ne peut omettre sa femme depuis quarante ans, Maryse, à laquelle l’humoriste faisait si souvent allusion, et réciproquement. « Je l’inspirais et il m’inspirait », a-t-elle déclaré ce matin au micro de RTL, témoignant avec une très vive émotion au lendemain de l’assassinat de son mari dans les locaux de Charlie Hebdo. La voix emplie de chagrin, Maryse Wolinski, auteure de nombreux ouvrages et journaliste dans plusieurs médias – elle avait rencontré son époux alors qu’ils travaillaient tous deux au Journal du dimanche – a pourtant bravement tenu à témoigner de son amour pour cet « homme exceptionnel » tombé hier « au champs d’honneur de sa profession ».
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« Pour lui, je veux faire front », a déclaré Maryse, rappelant ce que « Wolinski », ainsi qu’elle le nomme tendrement, lui avait déclaré à la mort de son père : « Quand j’ai perdu ma première femme, j’ai fait front, il faut toujours faire front ». Décédée dans un accident de voiture à l’âge de trente ans, Jacqueline, la première épouse de « Wolin », l’avait en effet laissé seul avec leurs deux petites filles à élever. Puis ce fut la rencontre avec Maryse, suivie de la naissance d’Elsa, leur fille unique aujourd’hui journaliste et romancière reconnue. C’est d'ailleurs l'époux de celle-ci qui, hier, a appris la triste nouvelle au clan, ce que déplorait Maryse Wolinski ce matin au micro d’Yves Calvi, racontant : « J’ai appris la mort de mon mari par mon gendre. Aucune personne officielle ne me l’a annoncé ».
De cet homme avec lequel elle vécut quarante années d’un mariage durable, incongruité dans le milieu dans lequel ils évoluaient, elle a ensuite parlé avec une infinie tendresse, tenant par ailleurs à apporter quelques précisions quant à l’image qui fut donnée de son époux dès hier dans les médias. « Il n’est pas que ce jouisseur irrévérencieux que tout le monde présente (…) Il était un homme d’une très grande humanité. (…) C’était avant tout un éditorialiste talentueux ». L’humour, toujours présent, cachait en effet un talent rare, et une analyse de notre société qu’il convient de rappeler outre la potacherie apparente de celui qui restera le croqueur inoubliable de tant de seins et de fesses féminines.
"Ce qui m'intéresse chez une femme, c'est ce que je n'ose pas lui demander" - Wolinski via @le_Parisien pic.twitter.com/6aZOvBVEjY
— Eric (@Eric_Ingargiola) 8 Janvier 2015
Parfois taxé de misogyne, Wolinski était, selon Maryse, tout le contraire de l’image qu’on, ou qu'il, voulait bien donner de lui. Entouré de femmes (ses trois filles et Maryse), il aimait les provoquer mais était, ainsi que le rappelait un portrait qui lui était consacré par Libération, « le plus phallocrate des féministes ». Parfois piquée au vif par ses bravades flirtant avec le sexisme, Maryse Wolinski savait répondre à celui qui partageait son quotidien, comme lorsqu’elle publia Georges, si tu savais, en 2012, en réponse au dessin que celui-ci avait fait des actrices de Tournées de Mathieu Amalric.
Pourtant, Maryse Wolinski le savait, « il avait la réputation d’un misogyne qu’il n’était pas ». Au contraire, celle-ci rappelait il y a quelques heures « un amoureux merveilleux, un guide », ajoutant : « il était mon meilleur ami. » Dans ce même entretien accordé à Libération en 2012, Georges Wolinski confiait ses dernières volontés, parmi lesquelles être incinéré, au grand dam de son épouse, lui expliquant pourtant avec le cynisme qu’on lui connaît : « [Mes cendres], tu les balanceras aux chiottes, comme ça chaque fois que tu t’assoiras sur ma tombe, je verrai ton cul. » Quant à ladite tombe, l’humoriste l’aurait bien vue ornée de cette épitaphe : «Wolinski on croit qu’il est con parce qu’il fait le con, mais en réalité il est vraiment con. »