Aux yeux de beaucoup, elle a fêté la Saint-Valentin de la plus belle des manières. Ce vendredi 14 février, la chanteuse la plus populaire d’Iran, exilée aux Etats-Unis depuis 2001, a défié, une nouvelle fois, les autorités de son pays. Googoosh, 63 ans, a ainsi mis en ligne le clip de « Behesht » qui relate les difficultés quotidiennes d’un couple lesbien. Relayée sur son compte Facebook, qui peut se targuer de près d’un million et demi de followers, cette nouvelle chanson, dont on peut traduire le titre persan par « Paradis », a immédiatement suscité un grand nombre de réactions sur les réseaux sociaux.
Des commentaires loin d’être tous laudateurs, comme le relate Le Monde dans son blog « Nouvelles d’Iran ». Le quotidien du soir rapporte ainsi certaines observations peu amènes formulées par des internautes, tel ce message posté par un dénommé Azadeh. Ce dernier écrit : « Il ne fallait pas faire la propagande de cette amère vérité [l’homosexualité]. Je n’autoriserais jamais mon enfant à regarder ce clip » D’autres, évidemment, soutiennent avec force la démarche, comme ce fan néo-zélandais. Matthew Clements déclare ainsi : « C'est tout simplement magnifique. C'est vraiment un chef d’oeuvre et au sujet d'une question aussi grave en Iran, il est bon que quelqu'un ait le courage de se lever pour dénoncer l'injustice que constitue la répression de la communauté LGBT. »
Googoosh, elle, avait posté sobrement sa vidéo avec ce commentaire : « Mon cadeau pour vous... Dans l'espoir de jours pleins d'amour — pour tous ». Son clip, somme toute assez prude et qui rappelle vaguement la scène du tour de chant dans «Talons Aiguilles » de Almodovar, se termine aussi par un message similaire « Freedom to love for all ».
Dans le contexte iranien et au vu de l’aura dont bénéficie encore l’artiste dans son pays, la vidéo – dont on ne peut pas dire qu’elle se complaît dans la provocation et l’outrance – a ravivé immédiatement le débat concernant les persécutions dont sont victimes les homosexuels en Iran. Politique répressive condamnée notamment, en 2011, dans un rapport accablant du Comité des droits de l’homme de l’ONU.
La démarche a pu néanmoins surprendre tant Googoosh n’est pas réputée pour être une artiste engagée. Excepté en 2009 où elle avait publiquement soutenu les grandes manifestations contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, cette dernière s’aventure ainsi rarement sur le terrain politique. Interviewée en mars 2013, toujours dans les colonnes du Monde, Googoosh reconnaissait sans mal qu’elle n’en faisait peut-être pas assez pour promouvoir l’égalité dans son pays. «Je voudrais militer, contribuer à faire de l'Iran un pays libre et démocratique. J'aimerais prendre mes responsabilités. Mais je n'ai ni le pouvoir ni les connaissances pour faire évoluer les choses», confiait-elle.
Pour la peine, Googoosh, qui avait dû mettre sa carrière entre parenthèses pendant près de deux décennies suite à la révolution islamique et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini, sait ô combien le pouvoir iranien apprécie guère la libre expression artistique. De son vrai nom Faegheh Atashin, elle – que les Iraniens ont pu entendre chanter dès l’âge de 4 ans – n’avait ainsi repris sa carrière qu’au gré d’un voyage au Canada à l’orée des années 2000. Sollicité par un producteur à Toronto, son retour sur scène fut un succès immédiat.
Une décennie plus tard, faisant salle comble dans tous les pays où réside une diaspora iranienne, Googoosh dit ne plus jamais vouloir revenir au pays. « Je sais comment ils se comportent avec les femmes en général et avec les chanteuses en particulier ». Avec le clip de « Behesht », pas sûr que les caciques iraniens reviennent à de meilleurs sentiments envers leur diva nationale en passe de devenir, au bout de quarante ans de carrière, pasionaria…