Jamel Oubechou : La discrimination intervient souvent à l’embauche. Mais, elle peut aussi motiver un licenciement ou une rupture de la période d’essai, une fois la grossesse de la salariée révélée ou découverte. La discrimination peut parfois également advenir au cours de la carrière de la salariée. En effet, il arrive qu’une femme de retour de congé maternité ne retrouve pas un poste comparable à celui qu’elle avait quitté : son poste s’est vu amputer de certaines attributions ou il a été confié à une autre personne sans que ne lui soit proposé un emploi comparable avec une rémunération au moins équivalente. La prise en compte de la maternité par l’employeur peut aussi venir stopper ou freiner l’évolution de leur carrière. Une femme enceinte peut ainsi être pénalisée dans son évaluation annuelle, par exemple.
J. O. : Ces discriminations étaient encore largement méconnues ou tout du moins banalisées -elles étaient acceptées comme un état de fait alors qu’elles doivent être combattues comme discriminatoires- il y a encore quelques années. Mais, on observe depuis une réelle prise de conscience du caractère discriminatoire de certaines pratiques d’employeurs. Selon le baromètre réalisé en 2011 par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la perception des discriminations au travail, un quart des salariées estiment avoir été victimes de discrimination sur la base du critère de grossesse.
J. O. : L’augmentation des réclamations ne signifie pas nécessairement que les discriminations fondées sur la grossesse augmentent elles aussi. Elle traduit surtout une prise de conscience –liées notamment aux campagnes de communication- et la fin d’une résignation face à ces discriminations. Le pourcentage de saisines du Défenseur sur ce critère a ainsi doublé depuis que notre institution s’est emparée en 2008 de cette question qui était restée jusque-là relativement invisible. Depuis quelques années, la HALDE puis le Défenseur ont fait une priorité des enquêtes sur les réclamations relatives à la grossesse et ont soutenu des dossiers devant les tribunaux pour faire condamner ces discriminations. Les juridictions sociales ont ainsi récemment pris des décisions prévoyant d’importantes indemnisations. Enfin, la médiatisation de ces affaires a permis de rappeler aux femmes que les discriminations n’étaient pas une fatalité et que le droit leur donnait les moyens de se défendre contre ce type d’abus.
J. O. : Le dépliant « grossesse » du Défenseur des droits est non seulement une brochure destinée aux femmes susceptibles d’être discriminées mais aussi un outil qui informe les employeurs de leurs droits et devoirs. Il faut souligner que cette protection des femmes enceintes ne concerne pas uniquement les salariées du secteur privé, mais également les fonctionnaires et les travailleuses indépendantes. Le Défenseur des droits encourage les employeurs à prendre conscience du sujet, à sensibiliser l’ensemble de leur personnel (et notamment les agents chargés des ressources humaines) aux protections juridiques entourant la grossesse ainsi qu’à identifier et diffuser les bonnes pratiques.
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