C'est un long fil de messages sur Twitter publié le 14 septembre qui a le mérite de lancer un beau pavé dans la mare. Gabrielle Blair, mère de six enfants et mormone, propose de renverser la charge mentale des grossesses non désirées sur les hommes. L'intégralité de sa réflexion a déjà été partagée plus de 75 000 fois sur le réseau social. Gabrielle Blair a rassemblée ses messages en un post de blog.
Cette discussion a des échos en France où il y a encore quelques jours, le président du Syndicat des gynécologues obstétriciens a fait valoir sa clause de conscience pour ne pas pratiquer d'avortements.
Dans son introduction, la blogueuse américaine écrit : "J'ai écrit un thread Twitter pour la première fois. C'est à propos de l'avortement et de comment, je pense, nous devrions avoir une approche différente sur ce sujet [...] J'ai écouté les hommes faire leurs intéressants à propos des droits reproductifs des femmes, et j'ai la conviction que les hommes n'ont aucun intérêt à stopper l'avortement."
Elle les juge alors "100 % responsables pour les grossesses non désirées". Parce que "toutes les grossesses non désirées sont causées par des éjaculations irresponsables."
En sortant sa calculette, Gabrielle Blair fait un petit état des lieux des possibilités : "Les femmes ne peuvent tomber enceintes qu'environ 2 jours par mois. Et ce, pour un nombre limité d'années. Cela fait qu'une femme peut tomber enceinte 24 jours par an. Mais les hommes peuvent causer une grossesse 365 jours par an. En fait, si vous êtes un homme qui éjacule plusieurs fois par jour, vous pourriez provoquer des grossesses multiples chaque jour. En théorie, un homme peut provoquer plus de 1000 grossesses non désirées en seulement un an."
Comment les femmes se protègent-elles de ces grossesses non désirées ? En prenant la pilule par exemple. Ce qui leur cause des effets secondaires nombreux, des rendez-vous gynéco, des frais que les hommes, eux, n'ont pas. Aux États-Unis, ce droit au contrôle de sa procréation est sans cesse remis en cause, en empêchant par exemple les assurances de les prendre en charge.
Dans sa logique, si les hommes continuent d'être responsables pour ces grossesses non désirés, pourquoi ne prendraient-ils pas en charge cette contraception, alors que des solutions existent ? Gabrielle répond à cette question : "A cause des effets secondaires. Et leur liste est environ d'un tiers par rapport à celle que l'on connaît pour la contraception orale des femmes".
Le préservatif pourrait être une solution : "Les préservatifs sont disponibles à toute heure du jour et de la nuit, peu coûteux, pratiques et ne nécessitent pas d'ordonnance. Ils sont efficaces, et travaillent à la demande, instantanément[...] Ils nous empêchent d'attraper des MST."
Mais soudain elle déchante : "Oh. Je m'en souviens. Les hommes n'aiment pas les préservatifs. En fait, les hommes font souvent pression sur les femmes pour qu'elles aient des rapports sexuels sans. Et il n'est pas rare que les hommes enlèvent le préservatif pendant les rapports sexuels, sans la permission ou à l'insu de la femme. (Un conseil : c'est une agression.)"
Gabrielle Blair se fait donc cette réflexion sur l'égoïsme que peuvent avoir ces hommes : "Il y a donc des hommes prêts à risquer de mettre une femme enceinte - ce qui signifie littéralement risquer sa vie, sa santé, son statut social, ses relations et sa carrière, pour qu'ils puissent éprouver quelques minutes d'un peu plus de plaisir ?"
Elle propose plus loin aux hommes de se faire castrer (ouch) ou alors de se faire faire une vasectomie à l'adolescence, ce qui est réversible et ne provoque que peu d'effets secondaires : "Pour ceux d'entre vous qui considèrent l'avortement comme un meurtre, ne seriez-vous pas d'accord pour qu'une poignée d'hommes soient castrés, si cela évitait 500 000 meurtres chaque année ? Et si ce n'est pas le cas, est-ce parce que vous vous souciez davantage du maintien de l'ordre sur le corps des femmes, de leur moralité et de leur sexualité que de la réduction ou de l'élimination des avortements ? C'est une question rhétorique." Sur l'argument de la vasectomie, elle rappelle que 80 % des Américains sont circoncis et que ça, ça n'est pas réversible !
Gabrielle Blair rappelle avec justesse : "Saviez-vous aussi que les hommes peuvent mettre une femme enceinte sans qu'elle ne ressente le moindre plaisir ? En fait, il est tout à fait possible pour un homme de féconder une femme tout en lui causant des douleurs atroces, des traumatismes ou de l'horreur, ce qui signifie qu'une femme peut être la plus salope du monde entier qui aime avoir des orgasmes toute la journée et toute la nuit et elle ne se trouvera jamais avec une grossesse non désirée à moins que l'homme se présente et éjacule de manière irresponsable."
Selon elle, la charge mentale de la grossesse non désirée devrait être renversée et les hommes responsabilisés : "Parlons plus de responsabilité. Souvent, les hommes ne savent pas, ne demandent pas et ne pensent pas à demander s'ils ont provoqué une grossesse. Il se peut qu'ils n'y pensent jamais, ou qu'ils n'associent jamais le sexe à la naissance d'un bébé. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a aucune conséquence pour les hommes qui provoquent des grossesses non désirées."
Alors à tout ceux qui protestent contre l'avortement, elle leur demande de réfléchir à deux fois : "Personne ne pense jamais une seule fois à l'homme qui a causé la grossesse non désirée. Si vous ne tenez pas les hommes responsables des grossesses non désirées, vous perdez votre temps. Arrêtez de protester dans les cliniques. Arrête de faire honte aux femmes. Arrêtez d'essayer d'annuler les lois sur l'avortement. Si vous vous souciez réellement de réduire ou d'éliminer le nombre d'avortements dans notre pays, tenez simplement les hommes responsables de leurs actions."
En une simple phrase, elle résume la situation aux États-Unis : "Notre gouvernement est majoritairement dirigé par des hommes. Ce sont les hommes qui font les lois. Et les hommes pourraient abolir les avortements en 3 mois ou moins [...] En résumé : arrêtez d'essayer de contrôler les corps et la sexualité des femmes. Les grossesses non désirées sont causées par des hommes".
Si on peut ne pas être d'accord avec certains points de cette argumentation, la réflexion de Gabrielle Blair donne matière à réfléchir. Et surtout quelques arguments à ressortir à notre fameux tonton anti-avortement, René, dimanche midi prochain. Pour lui clouer le bec, on lui proposera une castration.