Selon un sondage Ipsos publié le 3 juillet 2020, 81 % des femmes en France ont déjà subi du harcèlement sexuel dans les lieux publics. Depuis juillet 2018, la loi tente de verbaliser ces outrages sexistes. L'article 621-1 du Code pénal stipule que le fait d'"imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante", est passible d'une amende de 90 euros à 750 euros, voire de 1 500 euros en cas de circonstance aggravante (lorsque la victime a moins de 15 ans, notamment).
Seulement, les premières concernées l'assurent : malgré les mesures, l'insécurité persiste. Même en plein confinement, même masquées. Un détail qui prouve bien que le motif des harceleurs n'est pas tant l'envie de séduire qu'un besoin d'exprimer sa domination. Ce fléau n'est donc pas inhérent à la tenue, et encore moins à l'apparence plus générale.
Dans une vidéo réalisée par HeyMe, une assurance destinée aux jeunes, en collaboration avec l'application anti-harcèlement HandsAway, la féministe et activiste body positive Anchara tacle justement cette idée reçue, et aborde un sujet peu médiatisé : le harcèlement de rue que subissent les femmes grosses.
"Il y a cette idée reçue que les femmes grosses ne subissent pas le harcèlement de rue", dit-elle. "C'est faux." Elle insiste : "Se faire harceler dans la rue, ça arrive même quand on correspond pas aux critères de beauté de la société. Parce que c'est pas une histoire de séduction, mais de prise de contrôle. Le gars veut te montrer qu'il peut t'emmerder pendant que tu fais les courses et que c'est lui le dominant. Ça arrive à toutes, à n'importe quel âge et peu importe le physique."
Seule différence qu'elle rappelle haut et fort : "Nous, en plus de se faire insulter, on peut en plus se prendre des insultes grossophobes", dénonce la jeune femme. Anchara livre une anecdote personnelle et tragiquement banale : "Je me rappelle d'une fois où j'allais travailler, tranquillement je marchais avec mes écouteurs. Un inconnu se plante devant moi et m'insulte pendant dix minutes, des insultes très vulgaires. Il m'explique qu'il peut avoir des nanas comme moi, 300 par semaine dans son lit, que je mérite ses insultes et ça s'est terminé en remarques grossophobes sur la taille de mon séant. Ce n'était ni le premier ni le dernier, mais lui était particulièrement con et virulent."
Elle poursuit en condamnant cette fois les ravages du cyber-harcèlement et de la grossophobie en ligne : "Ça ne s'arrête pas dans la rue, si seulement on pouvait rentrer chez nous et être tranquille, mais les réseaux sociaux prennent le relai. En tant que femme grosse sur Twitter, je me prends des vagues de harcèlement, juste parce que j'ai posté une photo, que je participe à la campagne #Plusde100kgEtSereine, ou que j'ai osé dire que le mannequin grande taille était sublime..."
Anchara l'assure, ces mentalités viennent principalement du "problème de représentation dans notre société". "On ne nous montre des femmes grosses, des personnes grosses que dans des situations angoissantes, négatives - une catastrophe. Il faudrait que les médias prennent leurs responsabilités - parce qu'ils sont en partie responsables de cette haine - une meilleure représentation, montrer plus de choses positives". La féministe martèle : "Nous existons et nous vivons comme tout le monde et nous n'avons en aucun cas à subir vos remarques !"
Elle formule ensuite deux façons de faire face à ces agressions : en l'affrontant, ou en l'ignorant. "Moi ce qui me fait du bien c'est de répondre, de tourner l'autre en ridicule, de l'insulter intelligemment et poliment et de lui mettre le nez dans sa merde. Ou sinon de laisser glisser". Et conclut : "Franchement vu la vacuité de l'esprit des gens grossophobes que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux, laissez glisser".