"Tout s'est écroulé sur moi", raconte l'aspirante-réalisatrice Christina Mondy au Los Angeles Times. Une façon de dire ô combien son expérience d'assistante ressemblait à un film catastrophe. Normal, à Hollywood. En occupant ce poste dans l'espoir de "gravir les échelons", la jeune femme a tout connu : un chef autoritaire lui infligeant de véritables "violences verbales", un stage non rémunéré, 50 heures de taf par semaine pour seulement 11,25 dollars de l'heure, et une inaction totale de la part des Ressources Humaines, la responsable lui répétant que "cette industrie ne lui convenait peut-être pas". Une expérience que l'ex-assistante préférerait oublier.
Le problème, c'est que son cas est loin d'être une exception. Car comme l'annonce le média américain au sein de cette impressionnante enquête, assistants et assistantes à Hollywood constituent "l'un des emplois les plus ingrats du secteur". Rien que ça. Et ce pour de nombreuses raisons. Des journées qui n'en finissent pas, une rémunération faible, peu d'indemnités et des patrons abusifs. Nombreux sont les témoignages à révéler les failles d'un système qui exploite au lieu de "vendre du rêve".
Outre-atlantique, les protestations pullulent, des histoires recueillies par Craig Mazin (le scénariste de la série Chernobyl) et John August (l'auteur d'Aladdin) pour leur podcast Scriptnotes aux commentaires générés par le hashtag #PayUpHollywood, initié par la scénariste et productrice Liz Alper. Une révolte légitime.
Qu'il ait trait à la réalisation, la production ou le studio, le rôle d'assistant·e est toujours perçu comme une "carotte" permettant d'atteindre des postes plus hauts, épanouissants et mieux rémunérés. Mais c'est déjà là qu'est l'os puisque, comme le souligne Kevin Klowden, directeur exécutif du Center for Regional Economics du Milken Institute, la vie à Los Angeles devient de plus en chère, les périodes de production plus précipitées qu'avant, les contrats plus courts, les salaires aussi faibles qu'inchangés et "les perturbations plus fortes, sans la moindre garantie de progression". Une situation sensible pour les plus précaires venus goûter à l'American dream.
Évoqué par l'enquête, le groupe privé Facebook Awesome Assistants, recueillant de nombreuses informations sur les salaires et les rémunérations de plus de 400 assistant·e·s de l'industrie, nous apprend ainsi que le salaire mensuel moyen d'un·e assistant·e était de 3 759 $ en 2017, à raison d'une charge de travail oscillant entre quarante et cinquante heures par semaine - pour 25,3% d'entre eux. Plus de la moitié (50,7%) de ces petites mains sont même aidées financièrement par leurs parents. Selon l'assistant scénariste Taylor Brogan, si, hier encore, l'évolution professionnelle était plus ou moins rapide, il faudrait désormais compter pas moins de cinq à dix ans d'expérience pour qu'un·e assistant·e puisse espérer une "promotion".
Au sein de cet environnement morne, une même réponse se fait entendre à la moindre protestation - ou demande d'augmentation, ajoute l'assistant scénariste : "nous pensons que vous devriez être reconnaissant d'avoir un emploi alors que des centaines de personnes sont en lice pour vous remplacer". Cette exploitation perdure car, comme Taylor Brogan, chacun·e espère que "tout cela finira par porter ses fruits". Selon le Los Angeles Times, l'ascension autrefois rêvée des assistant·e·s - envisageant leur poste comme un "terrain d'essai" leur permettant d'enrichir leur carnet d'adresses - est également mise en péril par "les mutations de l'industrie", comme la croissance du streaming et autres pressions économiques.
Mais la concurrence a bon dos. A Hollywood, ces métiers de l'ombre souffrent avant tout d'un manque de protection et de considération syndicale flagrant, ce qui nuit à tout espoir d'amélioration des conditions de travail. De nombreuses tentatives ont été faites au sein de la Writers Guild of America - le grand syndicat des scénaristes américains - afin de mettre en place une organisation concrète entre assistant·e·s. Ne serait-ce que pour garantir la survie des "protections de base" et la mise en place de salaires équitables. Sans grand succès hélas : toutes ces tentatives ont été repoussées, comme le déplore Jessica Kivnik, scénariste de la série Bosch.
Malgré les indignations soulevées par le mouvement #PayUpHollywood, l'injustice perdure et un grand nombre de studios font des taux minimums de rémunération les "salaires standards" de la profession. Les responsables de production quant à eux "tiennent les cordons de la bourse", déplore le Los Angeles Times, et font la sourde oreille face à celles et ceux qui réclament une mise à jour de la législation. Pas de quoi surprendre la scénariste Deirdre Mangan, qui le déplore : "Il n'y a jamais personne qui parle pour les assistant·e·s. Et si quelqu'un ne veut plus occuper ce poste, des centaines de personnes sont prêtes à accepter d'être payées 400 dollars par semaine".
Par-delà les réseaux sociaux, assistantes et assistants se disent aujourd'hui qu'un grand mouvement de grève ne serait pas de trop pour faire bouger les choses. "J'aimerais que certaines normes, peut-être informelles, soient établies. J'adorerais faire pression sur les entreprises pour qu'elles signent une promesse quelconque", explique Raphael Bob-Waksberg, le créateur de la série Bojack Horseman. Il n'est pas seul à l'espérer.