La langue française brille par sa richesse lexicale. Mais en dépit de nos jolies figures de style et de nos expressions imagées, nous excellons également dans l'art du langage fleuri. Les gros mots, ça nous connaît. "Excuse my french", disent d'ailleurs les anglophones avant de prononcer une grossièreté.
Si je suis moi-même un parfait exemple en la matière et que les "merde" et les "fais chier" me viennent presque aussi naturellement qu'un "bonjour" ou un "merci", il y a toutefois des insultes empreintes de sexisme qu'il faudrait définitivement bannir de notre vocabulaire.
Vous les avez sans doute remarquées... Mais comme moi, vous les sortez sûrement sans y réfléchir. Sauf que justement, j'y pense de plus en plus. Et j'ai décidé qu'il y en avait au moins quatre que je devrais vraiment rayer de mon lexique.
Je dis bien devrais, car certaines d'entre elles m'échappent encore assez souvent. Mais je me soigne. Du moins j'essaie. Ci-dessous, ma petite liste des termes dans ma ligne de mire.
"Ces femmes, toutes des hystériques !", "Eh, calme-toi hein, arrête de faire ton hystéro !". Ce terme péjoratif désigne une femme qui pète un câble, incapable de faire preuve du moindre sang-froid. Bref, une "chieuse" quoi. Ou une "névrosée".
Étymologiquement parlant, hystérie vient du mot "hustera", qui signifie "utérus". Depuis l'Antiquité jusqu'à la fin du 19e siècle, l'hystérie était associée à une pathologie de l'utérus (et donc une maladie exclusivement féminine), qui se traduit par des crises d'angoisse, des troubles sexuels et une hyper-émotivité.
Cette pathologie existe toujours (on parle désormais de "troubles anxieux névrotiques"), sauf qu'elle n'a rien à voir avec l'utérus et qu'elle touche aussi bien les femmes que les hommes. Pourtant, on continue de traiter les femmes d' "hystériques". Vous comprenez d'où vient le problème maintenant ?
Alors, celle-là je ne l'ai jamais utilisée car je l'ai toujours trouvé d'une violence inouïe. Et d'ailleurs, est-ce qu'on dit d'un mec qu'il est "mal baisé" quand il est un peu énervé ? Car, comme on vient de le voir avec le mot hystérique, une femme qui s'énerve est très vite stigmatisée. Si elle n'a pas ses règles, c'est forcément qu'elle n'a pas eu "son compte" au lit.
Pour un homme, on va dire qu'il est "véner", "colérique", "virulent", ou encore qu'il a "le sang chaud". Mais avez-vous déjà entendu une phrase du type : "Attention, il est de mauvais poil. Il doit probablement avoir les couilles pleines". Perso, ça ne m'est jamais arrivé.
Le mot "putain" est presque une onomatopée, qu'on utilise pour exprimer un peu tout et n'importe quoi. "La langue française peut se résumer à un simple mot. Apprenez à le dire et vous aurez les clés du français", affirme, presque à juste titre, la youtubeuse MiChmski dans une vidéo hilarante intitulée "Learn French in One Word" ("Apprenez le français en un mot").
Mais n'oublions la signification première de "putain". À savoir : "une prostituée qui exerce son métier dans la rue ou en maison de tolérance", précise le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL). Sachant qu'on utilise principalement ce mot de manière péjorative ("Putain, c'est pas possible"), vous conviendrez que le fait de l'avoir transformé en une expression courante n'est pas joli joli.
À la place, nous pouvons opter pour des "purée" ou des "punaise". Ou même "saperlipopette", pour les plus audacieux·ses. Pour ma part, j'essaie de me faire violence en utilisant ce mot uniquement quand je veux montrer mon enthousiasme : "Putain, c'est trop cool !". Quitte à ce que ça m'échappe, autant que je transforme ce tic de langage en une émotion positive.
Un grand classique, que j'utilise moi-même à l'envi. Un comble, puisque je suis pleinement consciente de l'aberration totale de cette insulte, puisque que le "con", c'est en fait le sexe de la femme.
Imaginez un peu si on disait : "Mais quel vagin celui-là", "C'est vraiment foufoune ce que tu dis", "Tu ne veux pas te remater le film Le Dîner de Vulves ?" On est bien d'accord : cela n'aurait aucun sens. Comme le mentionne un article de l'Obs , le "con" a un rapport avec un rapport l'au-delà, le surnaturel, la mort ; un rapport avec l'inconnu, la menace, l'angoisse ; avec le coin, le trou, la queue, le sexe".
C'est vrai qu'on dit aussi "être con comme une bite". Avec cette expression, on atteint le paroxysme du non-sens (puisque ça revient à dire "vagin comme un pénis"), même si ça tend à annuler le caractère sexiste de l'insulte.
Du coup, j'essaie d'utiliser des synonymes plus mignons : "crétin", "andouille"... L'avantage avec notre langue, c'est qu'on a le choix. Mais cela signifie aussi qu'on n'a plus d'excuse pour éviter de prononcer ces insultes. À bon entendeur·euse...