Jusqu'au 21 octobre, la ville de Neuchâtel (Suisse) exposera une sculpture en forme de clitoris géant sur le rond-point de la Place de l'Europe, située en face de la gare. Intitulée "Instant Pleasure", cette oeuvre de Mathias Pfund initiée par le collectif Smallville s'inscrit dans un dessein pédagogique visant à relancer le débat sur le plaisir féminin. Si le projet avait fait l'objet de vives critiques sur les réseaux sociaux (certains ont notamment dénoncé de la "pudibonderie mal placée") avant même qu'il ne voit le jour, il a toutefois le mérite de placer le clitoris au centre de l'attention. Cet organe sexuel reste en effet le plus "boudé" et le plus méconnu de tous. Il demeure d'ailleurs un mystère total pour un grand nombre de Français.
Pour pallier ce manque de connaissance, la Française Odile Fillod, chercheuse indépendante en sociologie, a créé Clit' Info, le premier site internet entièrement dédié à cet organe féminin du plaisir.
Tout, vous saurez tout sur le clitoris. Voici la promesse de Clit'Info, qui nous propose de revisiter quelques éléments d'histoire du clitoris, de lever le voile sur l'anatomie de cet organe féminin, ainsi que de faire le point sur les informations et les intox qui circulent à son sujet. Bref, tout un programme.
Je ne cible pas de public en particulier. Comme avec le modèle de clitoris imprimable en 3D, l'idée est de diffuser gratuitement et le plus largement possible des informations précises et fiables, venant pallier la méconnaissance du clitoris et déconstruire des croyances erronées à son sujet. Le site permet aussi aux internautes de me poser des questions.
Récemment, un manuel de SVT de 4e paru aux Editions Magnard a fait parler de lui parce qu'il représente pour la première fois le clitoris dans son intégralité. Est-ce une "révolution" pour vous ?
Disons plutôt un premier pas important. Surtout que les médias en ont beaucoup parlé, ce dont je me réjouis : c'était une occasion de plus d'attirer l'attention sur le clitoris. En même temps, c'est juste un dessin qui a été corrigé (le texte qui va avec reste à améliorer). Et un seul manuel est concerné. Tous les autres montrent encore une image erronée du clitoris, voire l'omettent carrément.
Les outils pédagogiques mis à disposition par l'Éducation nationale restent aussi à la traîne. Par exemple, le modèle de corps en 3D publié sur le réseau Canopé ignore complètement cet organe, et une vidéo explique que les "organes sexuels" sont le pénis, les testicules, la prostate et les vésicules séminales chez les garçons, et le vagin, l'utérus et les ovaires chez les filles.
Je pense que la principale cause est l'ignorance générale autour de la véritable anatomie de cet organe, qui ne date pas d'hier. Les personnes qui ont conçu les manuels scolaires jusqu'ici ont tout simplement reproduit le schéma habituel erroné qu'elles avaient appris lors de leurs études. Il a fallu que l'attention des médias pour l'anatomie réelle du clitoris les atteigne pour que les choses bougent.
Mais d'autres éléments contribuent à retarder la mise en place d'une information correcte dans les manuels, en premier lieu le contenu des programmes scolaires : ils sont axés sur la reproduction et non sur la sexualité. Le clitoris n'y est pas mentionné explicitement, et le plaisir sexuel n'est abordé (en classe de 1ère seulement) que sous l'angle de son substrat cérébral. Rendre toute sa place au clitoris revient à évoquer un plaisir sexuel déconnecté de toute fonction reproductive, en opposition avec une certaine morale que l'Éducation nationale, comme les éditeurs, hésitent à froisser.
J'avais déjà fait suffisamment de recherches pour me rendre compte que de nombreuses informations inexactes circulaient dans les médias, sur la page Wikipédia dédiée au clitoris, ou encore dans des ouvrages grand public. Pour alimenter le site, j'ai simplement approfondi mes recherches. Ce travail est d'ailleurs toujours en cours. Quant à ma méthode, j'applique la même que pour tous les autres sujets que je traite : je consulte les articles pertinents publiés dans des revues scientifiques, et je remonte aussi loin que possible à la source des informations qui y sont relayées afin de m'assurer de leur fiabilité. Quand j'ai un doute, soit je m'abstiens de donner l'information, soit j'indique clairement son statut hypothétique, incomplet ou provisoire.
J'ai glané au fil de l'eau – ne serait-ce que via le retentissement qu'a eu à l'étranger la création du modèle imprimable en 3D – divers éléments indiquant que la France n'était pas significativement plus en retard que les autres pays. Cela étant, je ne connais pas d'étude rigoureuse menée sur le sujet, et je ne projette pas d'en mener une moi-même. Ce serait bien que quelqu'un le fasse. On pourrait sans doute en tirer des enseignements intéressants.
Les principales idées reçues (dont on peut se faire une idée sur la page détox) relèvent d'un sensationnalisme qui prolifère facilement sur un sujet à la fois méconnu et "sexy". Leur diffusion s'inscrit souvent soit dans une tendance à conforter des visions sexistes, par exemple en affirmant à tort que le clitoris "ouvre" le vagin, soit au contraire dans une volonté de les dénoncer, par exemple en "révélant" à tort que le clitoris est aussi grand que le pénis.
Pour de multiples raisons : lutter contre la stigmatisation associée à la masturbation féminine, réduire l'inégalité d'accès à l'orgasme dont pâtissent les femmes, casser l'idée que seuls les hommes ont un phallus, aider à lutter contre l'excision... et j'en passe. Beaucoup de ces enjeux concernent en premier lieu les femmes, mais les hommes ont aussi à y gagner, notamment pour lâcher un peu de lest par rapport au diktat selon lequel il faut avoir un pénis "performant".
Le clitoris est un organe de taille comparable à celle du vagin, dont seule une petite partie émerge au niveau de la vulve. Son unique fonction est érogène, et sur le plan de l'excitation sexuelle et du déclenchement de l'orgasme, son homologue fonctionnel est le pénis.
Je vais d'abord finir de rédiger les parties déjà annoncées dans les pages Histoire et Détox. Ensuite, je continuerai sans doute à l'enrichir en faisant mention des nouvelles infos erronées que je verrai passer sur le net, en répondant aux questions que me poseront les internautes et en relayant les progrès significatifs intervenant dans la recherche scientifique sur le clitoris.