Le clitoris occulté, le clitoris négligé, mais le clitoris libéré ! Petit organe génital propre à la femme, le clitoris peut être considéré comme l'épicentre du plaisir. Et pour cause, il n'est pas utile à la reproduction mais sert uniquement à atteindre l'orgasme. Pas mal non, pour un petit gland si discret dans l'anatomie féminine ? Oui, pas mal du tout. Sauf que durant des décennies entières, le clitoris a été complètement ignoré par les scientifiques. Mal-aimé, voire tabou, cet organe féminin a dû attendre 1998 pour qu'Helen O'Connell, une urologue australienne, établisse un schéma anatomique détaillé de sa petite personne. Alors qu'il ne demande qu'à être chatouillé, le clito a été rangé dans la catégorie des intouchables. Dur.
Mais réjouissons-nous, car les temps changent, et notre sexualité aussi. Longtemps considérée comme "sale" et "secrète", la masturbation féminine suscite aujourd'hui un nouvel intérêt. Tandis que des photographes immortalisent des femmes atteignant le 7e ciel, la communauté scientifique nous apprend que c'est en se masturbant qu'une femme atteint les orgasmes les plus forts. Sur Internet, la parole se libère grâce à des sites comme "Comment me faire jouir", sur lequel des femmes partagent leurs meilleures recettes pour atteindre l'extase, et côté littérature, l'ouvrage de vulgarisation La revanche du clitoris (de Maïa Mazaurette et du Dr. Damien Mascret, ed. la Musardine) en est à sa deuxième réédition.
Le clitoris libéré donc ? Une chose est sûre, il est bien aidé dans son combat de reconnaissance. Preuve en est, la réalisation d'un court-métrage sobrement baptisé Le clitoris, et sélectionné dans une trentaine de festivals. Sa réalisatrice s'appelle Lori Malépart-Traversy, elle a 25 ans, est Québécoise, et avec humour, précision et justesse – et des illustrations sacrément cool – raconte l'histoire de ce petit organe si méconnu. Interrogée par TV5 Monde, la jeune femme raconte la mise en marche de son projet : "Je voulais parler de la sexualité des femmes dans mon film, mais sans savoir sous quel angle l'aborder. En faisant des recherches, je suis tombée sur la page Wikipédia du clitoris où j'ai découvert plein d'informations que je n'avais jamais apprises sur l'anatomie féminine. Cela a attisé ma curiosité".
A TV5 Monde, Lori Malépart-Traversy a expliqué que son envie d'approfondir ses connaissances en termes de sexualité féminine venait notamment du manque d'informations données lors des cours d'éducation sexuelle :
"Dans mon film, l'idée était d'apprendre aux autres ce que j'avais appris moi-même parce que les cours de sexualité à l'école au Québec ne sont pas très élaborés. Ils sont mêlés au cours de biologie. On aborde les maladies transmises sexuellement, la contraception mais jamais le plaisir, l'orgasme ou encore : comment faire l'amour de manière consentante et amusante".
Peu élaborés au Québec, les cours d'éducation sexuelle ne le sont pas plus dans les écoles françaises. Dans La revanche du clitoris, la journaliste Maïa Mazaurette et le sexologue Damien Mascret se désolent : "L'éducation sexuelle y est insuffisante, laissant place aux discussions avec les copains et copines du même âge, pour qui la sexualité est souvent un grand n'importe quoi qui mixe culture porno et refoulement romantico-religieux (quand 'on se respecte', la sexualité doit 'être justifiée par l'amour'). (...) On apprend donc aux jeunes à se reproduire (alors qu'ils n'en ont pas l'âge) mais pas à prendre du plaisir (alors que c'est le moment). Le sexe 'scolaire' est considéré comme productif et non récréatif : pas question, dans ces conditions, d'aborder l'étude du clitoris".
Lori Malépart-Traversy et les auteurs de l'ouvrage dédié au clitoris ont raison : les jeunes ont du mal à comprendre – quand ils ne s'en désintéressent pas totalement – l'usage du clitoris. TV5 Monde rappelle ainsi un rapport sur l'éducation sexuelle réalisé en juin 2016 par le Haut Conseil à l'égalité. On y apprenait que la plupart des Françaises de 15 ans ne savent pas qu'elles ont un clitoris et que 83% des collégiennes (des classes de 4e et de 3e) ignorent son fonctionnement. Le court-métrage de la Québécoise tombe donc à pic et se présente comme un sérieux complément aux cours d'éducation sexuelle.
A l'heure où la Suède joue la carte de la légèreté et de l'audace en inventant un mot pour décrire spécifiquement la masturbation féminine ("klittra", contraction de "clitoris" et du mot "brillant" en suédois), on accueille donc avec bienveillance et soulagement le film de Lori Malépart-Traversy. Le clitoris est beau, le clitoris est l'épicentre de notre plaisir, célébrons-le, mais surtout, utilisons-le ! Le court-métrage sera disponible en ligne courant 2017, après avoir fait le tour des festivals. On a hâte.