De longs cheveux bruns bouclés, un piercing sur la lèvre inférieure, des bas résille, une veste en cuir, le tout réuni dans une boule d'énergie d'1m64. Gheeda Chamasaddine ou plutôt Joelle Hunter (son nom sur le ring) est la première catcheuse du monde arabe. A 17 ans, elle s'entraîne trois fois par semaine au milieu de la vingtaine d'hommes de la Dubaï Pro Wrestling Academy, un groupe de passionnés de catch qui composé d'Emiratis et d'expatriés d'Europe et du monde arabe.
"Au début, la plupart des catcheurs n'osaient pas y aller à fond contre elle. Je leur ai dit : 'Faites comme s'il s'agissait de n'importe quel autre gars' et ils le font", indique Caleb Hall, un ex-espoir de la prestigieuse World Wrestling Entertainment (WWE) américaine, venu à Dubaï pour travailler dans l'immobilier avant de fonder, il y a un an, l'académie locale de lutte. Et, même si la présence d'une femme dans pareil endroit est inhabituel pour une population pratiquant largement un islam sunnite conservateur, "les autres gars sont heureux de s'entraîner avec Joelle depuis qu'elle a débarqué à l'académie", assure l'ancien catcheur de 31 ans.
"Je me fous de ce que les gens pensent de moi", prévient Joelle Hunter dans les colonnes du Telegraph. Et la catcheuse de poursuivre : "Personne ne doit se laisser dicter sa vie par quiconque, pas même par sa famille". Avant de devenir Hunter, Gheeda Chamasaddine, née au Liban, a grandi en Arabie saoudite, l'un des pays les plus rétrogrades en matière de droits des femmes. Une enfance passée à vénérer les icônes de la WWE avant de se lancer sur les rings malgré les réticences de sa mère, Nihaya Haimour qui n'hésite plus dorénavant à lui filer un coup de main pour l'élaboration de son costume.
Un accoutrement somme toute assez sobre et basique en comparaison de celui, hypersexualisé, porté par les "Divas", ces blondes peroxydées à la plastique parfaite qui peuplent les rings de catch américains. "Ce n'est pas l'image que je souhaite véhiculer, j'essaye de créer quelque chose de différent. En clair, mon costume dit : "Hey, regarde-moi combattre et pas mon corps"", explique-t-elle.
La jeune femme s'évertue à répéter ses gammes à longueur d'entraînement. Clés de bras, étranglements, tout est minutieusement effectué afin que la chorégraphie et les violences infligées à l'adversaire paraissent authentiques. Un talent qu'elle exerce lors des matchs, dont un récemment effectué contre le Libanais Michel Nassif, alias "Le Vigilant". Le jeune homme de 19 ans ne se soucie pas de catcheur contre un adversaire du sexe opposé. "On en fait tout un foin parce qu'elle est la première catcheuse du monde arabe", ironise-t-il. Pas de bol pour Le Vigilant, Joelle était dans un grand soir et a malmené son adversaire avec de nombreuses clés de bras et gifles distribuées tout au long du combat. "J'ai prouvé que je pouvais me battre avec les hommes", conclut Joelle.
Reste que dans le Golfe, Hunter demeure la seule catcheuse et que les traditions ont la peau dure malgré le développement de la WWE dans la région. Ainsi, le Qatar Pro Wrestling (QPW) a organisé, en avril dernier, un événement de trois jours mettant en scène des anciennes gloire de la WWE. Un rendez-vous au cours duquel aucune femme n'a combattu, au nom du respect de "la culture traditionnelle et de la religion", dans un Qatar plus conservateur que son voisin Emirati.
Joelle Hunter devra donc encore balancer bien des hommes par-dessus la troisième corde dans l'espoir d'attirer de nouvelles combattantes sur les rings et, pourquoi pas, réaliser son rêve américain.