C'est un chiffre terrible qui montre une nouvelle fois que les protections périodiques sont un luxe pour un grand nombre de filles et de femmes de par le monde. L'UNICEF a réalisé une enquête au Kenya et a déterminé que 65 % des filles d'un bidonville de la ville de Kibera, en banlieue de Neirobi, se prostituaient pour s'acheter des protections périodiques. Dans l'ouest du pays, ce chiffre est de 10 %.
Selon l'UNICEF, 54 % des jeunes Kényanes ont du mal à avoir accès à des produits de base pour leur hygiène menstruelle. Parmi celles qui vont à l'école, 22 % indiquent acheter elles-mêmes leurs produits menstruels.
Interrogé par le journal The Independent sur les raisons de cette situation, le responsable d'UNICEF Kenya avance deux raisons : la pauvreté et le fait que ce type de produits ne soit pas vendu dans certaines parties du pays en dehors des villes. Auquel on peut ajouter le tabou des règles.
Il ajoute également que les règles sont tabous, comme dans l'immense majorité des pays du monde. Il en résulte un manque d'informations pour les jeunes filles qui n'obtiennent pas non plus de renseignements de l'école.
The Independent cite l'exemple d'une jeune fille dont les première règles sont survenues à 14 ans à l'école. Elle raconte comment l'une de ses amies lui a dit de ne pas s'en faire. "A la fin de la journée, mon amie a organisé le transport des deux boda bodas [chauffeur de taxi moto] durant lequel l'une m'a portée et l'autre l'a portée. En rentrant chez nous, nous sommes arrivées dans un endroit où les boda bodas se sont arrêtés et ils ont donné un petit sac à mon amie."
Elle découvrira par la suite que le sac contenait des serviettes hygiéniques et des culottes neuves. Son amie va alors l'inciter à se rapprocher d'un boda boda si elle a des problèmes à trouver des produits hygiéniques. Elle découvrira plus tard à quel prix : en échange, il lui demande des relations sexuelles.
L'enquête fait état d'un véritable système. Les chauffeurs de taxi moto se serviraient de la précarité menstruelles des jeunes filles pour les forcer à la prostitution en échange de produits. Ils se serviraient également du tabou qui entoure les règles au Kenya.
Dès qu'elles sont réglées, les filles n'osent pas en parler à leur famille : "Parmi les mythes les plus répandus, mentionnons l'idée que le fait d'avoir ses règles est salissant et impur, que les règles sont une maladie ou une malédiction, que la nourriture se détériore si vous allez dans la cuisine pendant vos règles et que les cultures meurent si vous allez dans le jardin lorsque vous avez vos règles."
L'enquête de l'Unicef pointe que 76 % des femmes et des filles au Kenya ont un mauvais accès à de l'eau propre ou à des sanitaires pendant leurs règles. Les écoles ne sont que 17,5 % à posséder des toilettes accompagnées de moyens de se laver les mains et de savon.
The Independent rapporte que parmi un panel d'écoles sondées par l'Unicef, seules 30 % fournissent des serviettes hygiéniques à leurs élèves, et le plus souvent seulement en cas d'urgence. Pourtant, une loi votée en 2017 oblige les écoles à distribuer gratuitement des serviettes hygiéniques à ses élèves.
Plus globalement sur le continent africain, une filles sur dix rate l'école à cause de la précarité menstruelle. En France, la précarité menstruelle existe également, mais les chiffres ne sont pas connus.