Une jeune Indienne se dirige droit vers un pot déposé sur la table de la cuisine. L'air rieur, l'adolescente défie le regard de sa grand-mère, installée confortablement dans le salon , balance un « I touch the Pickle » (« Je touche le cornichon » en français, Ndr) puis s'en va, moulée dans un jogging blanc faire son footing matinal.
Accompagné par un « Touch the pickle » fredonné en cœur par une bande de mamies, ce spot publicitaire a de quoi surprendre : quelle est cette mystérieuse histoire de condiments ? Pourquoi un tel slogan dans une publicité qui vante les mérites d'une serviette hygiénique ?
L'idée, pourtant, fait mouche : abattre les tabous en se moquant d'une vieille croyance absurde autour des règles. Ainsi, certains en Inde aiment à penser qu'une femme ayant ses règles rendrait impropre à la consommation n'importe quel pot de cornichons à peine effleuré. Une sorte de super-pouvoir maléfique, finalement.
La publicité Procter et Gamble et cette curieuse histoire de cornichons
Des assiettes « spéciales règles » en vogue en Inde
S'il est probable que ces antiques croyances restent vivaces dans les campagnes indiennes, qu'en est-il, dès lors, au sein des grandes villes du pays ? La situation n'en est pas moins troublante. Car, si 59% des citadines indiennes – selon un sondage mené par l'institut Ipops – avouent toujours respecter cet étrange folklore en prenant garde à ne jamais approcher lesdits cornichons bien planqués au frigo, d'autres décampent carrément du lit conjugal et ne mangent que dans des assiettes « spéciales règles ».
Evidemment, les Indiennes ne sont pas les seules à subir les fantasmes d'un autre siècle concernant leurs ménorrhées.Un peu plus à l'Est, à Bali, les femmes ne sont, par exemple, pas les bienvenues dans les temples bouddhistes. Elles n'ont pas le droit non plus d'entrer dans une cuisine et doivent porter les mêmes vêtements pendant toute la durée de leurs règles.
Pas loin encore, du côté de Sumba (une île indonésienne), une légende dit qu'un homme malade peut se soigner en refilant son mal à une femme durant ses règles. Le raisonnement, ici, est des plus simplistes : la femme pourrait aisément ingérer l'infection puisqu'elle le purgera au cours de son cycle.
De l’autre côté de planète, les femmes ne sont pas non plus épargnées. En Jamaïque, les pires insultes installées dans la culture populaire se réfèrent aux menstruations. Blood clot (Caillou de sang, Ndr) en est le parfait exemple. Transformé au fil des années par le terme patois Bomboclat, il exprime une mauvaise surprise ou ponctue les phrases à l’instar de notre « putain » national.Dans certains coins des Etats-Unis, on accuserait même les femmes indisposées de faire cailler le lait et de dérégler les pendules !
Il suffit ensuite de traverser l’Atlantique pour avoir confirmation que, décidément, les mythes n’ont pas de frontière. Dans l'Hexagone, par exemple, même si les règles ne sont plus aussi taboues qu’elles ne l’étaient – c’est ce qu’a révélé un sondage commandée en 2013 par les marques Always et Tampax – n’oublions pas, tout de même, que le temps où l’on croyait encore qu’une femme ayant ses règles faisait tourner la mayonnaise, n'est pas très loin. En Angleterre à la fin du 19e, le célèbre « Bristish Medical Journal » avait publié un ensemble de lettres de médecins qui assuraient qu'une femme, au milieu de son cycle, abîmait le jambon qu'elle touchait.
Et côté idées reçues bien sexistes, les Européennes ne sont pas ménagées. Preuve en est avec la récente sortie d’une application mobile italienne qui a hérissé le poil des médias et de la gent féminine. Puisque, c'est bien connu, une femme en période de règles est abominable, ingérable, infâme et irritable, le géant pharmaceutique Sanofi a conçu une application afin de voler au secours de ces hommes en détresse. Comment ? En leur prodiguant de précieux conseils pour survivre au syndrome prémenstruel et pour assurer la paix au sein du ménage.
Dans la vidéo promotionnelle, on découvre alors Eve maltraiter Adam, Hélène de Troie l’insatisfaite mais encore Marie-Antoine, dont les sauts d’humeur ont carrément engendré, la révolution française ! « On a rarement vu un tel mélange de sexisme, de misogynie et de marketing. » décriait alors le journal, Agoravox. Pas mieux…
La publicité qui vante, tranquille, les mérites d'une application sexiste
Les hormones coupables de nos sauts d'humeur, un autre mythe ?
Et d'ailleurs, pour en finir une bonne fois pour toutes avec ces lubies : qu'en est-il du vieux bon adage qui dit que les hormones pré menstruelles expliqueraient l’irritabilité des femmes ? Il serait faux, selon une étude canadienne menée par des universitaires de Toronto.
Pour en venir à ces salutaires conclusions, les chercheurs ont mesuré le taux d’hormones dans les urines de 14 femmes toutes âgés de 18 à 40 ans, ces dernières devaient, en outre, transmettre au quotidien leur humeur, bonne ou mauvaise. Résultats… « Notre découverte majeure est que, à quelques exceptions près, aucun niveau d’hormones ni aucune phase de cycle menstruel ne peuvent jouer un rôle déterminant dans les humeurs quotidiennes de ce groupe de femmes », a martelé Gillian Einstein, professeur de psychologie.
Le stress et la santé seraient ainsi des facteurs bien plus déterminants dans les changements d'humeur. Or, avec toutes les conneries que l'on entend sur nos règles et ce, dans tous les recoins du monde, il n'est pas dit que notre karma s'améliore… Avis aux intéressés.