Permettre aux hommes demandeurs d'asile d'apprendre les normes socio-culturelles du pays qui les accueille et leur enseigner en particulier comment se comporter avec les femmes : c'est l'objectif du cours controversé que dispense la Norvège aux migrants de sexe masculin. Offert par la fondation Alternative to Violence et soutenu par le gouvernement norvégien, ce programme de cinq heures propose des discussions de groupe sur le sexe, la notion de viol et les violences faites aux femmes pour que les participants – tous volontaires – sachent faire "au moins la différence entre le bien et le mal", explique au New York Times Nina Machibya, qui gère le centre de Sandnes, une commune au sud-ouest du pays.
Alors que depuis le début de l'année, près d'un un million de migrants ont afflué vers l'Europe, ces cours ont pour vocation d'acclimater les hommes aux normes socio-culturelles du pays qui les accueille. C'est le cas d'Abu Osman Kelifa. Originaire d'Érythrée, qu'il a fui avec sa famille, ce demandeur d'asile musulman raconte au New York Times avoir été choqué la première fois qu'il a croisé dans la rue des femmes vêtues plus courtement que de son pays, en train de boire de l'alcool ou s'embrassant en public. Il explique que chez lui, seules "les prostituées" se comportent de la sorte, et que même dans les films, les couples "se font des câlins mais ne s'embrassent jamais".
Volontaire pour suivre le programme dispensé par Alternative to Violence, Abu Osman Kelifa s'est vu offrir un manuel qui vise à prévenir les violences faites aux femmes en expliquant que "forcer quelqu'un à avoir des relations sexuelles est interdit en Norvège, même si vous êtes marié à cette personne".
Instauré en Norvège depuis 2013, le programme de cours dispensé aux migrants peine à s'implanter dans les autres pays européens. En cause : la crainte de stigmatiser les migrants comme des violeurs potentiels et de faire le jeu des partis anti-immigration.
"Le plus grand danger pour tout le monde est le silence", estime Per Isdal, un psychologue clinicien qui a développé le programme suivi par Abu Osman Kelifa. Beaucoup de réfugiés "sont issus de cultures où il n'existe pas d'égalité des sexes et où les femmes sont la propriété des hommes, poursuit Per Isdal. Nous devons les aider à s'adapter à leur nouvelle culture."
De son côté, Abu Osman Kelifa affirme que s'il a encore du mal à accepter qu'une femme puisse accuser son mari d'agression sexuelle, il sait désormais lire les signaux autrefois déroutants de femmes habillées en jupe ou qui lui sourient dans la rue. "Les hommes ont des faiblesses et quand ils voient quelqu'un de souriant, ils ont du mal à se contrôler", estime-t-il. Et d'expliquer qu'en Érythrée, "si quelqu'un veut une femme, il peut tout simplement la prendre et ne sera pas puni", du moins pas par la police. En Norvège, les choses sont différentes : les femmes "peuvent exercer le travail qu'elles veulent, de Premier ministre à chauffeur de camion et ont le droit de se détendre " dans les bars ou dans la rue", ajoute-t-il.