Née en Haïti, Fania Noël a grandi dans le Val-d'Oise. Deux cultures qu'elle fait converser pour nourrir sa réflexion afroféministe et panafricaniste. Parmi ses combats, la lutte contre le racisme systémique, le néocolonialisme, le capitalisme ou encore le patriarcat. Son activisme, qu'elle décrit comme "révolutionnaire, radical et radieux", se déploie au sein du collectif Mwasi, de la revue AssiégéEs dont elle est directrice de la publication ou du podcast Medam yo ranse! qui explore le féminisme en Haïti.
Invitée ce 8 mars au cycle de conférences passionnantes "Le féminisme n'a jamais tué personne" organisé par la Bpi du Centre Pompidou, Fania Noël revient sur sa trajectoire militante et sur les femmes qui ont marqué sa déconstruction.
Fania Noël : Je ne pense pas avoir eu de "déclic" féministe à proprement parler, aussi loin que je me souvienne. Etant fille aînée d'une grande famille, j'ai eu la conviction que le sort réservé aux filles et aux femmes était une grande injustice. Mais il y a eu des graines importantes comme la lecture de Sula de Toni Morrison à 13 ans ou encore rencontrer ma grand-mère maternelle à 14 ans, et apprendre comment elle a résisté avec d'autres femmes contre l'expropriation sous la dictature en Haïti. Puis il y a aussi ma rencontre avec l'oeuvre des féminismes noires et enfin, l'organisation politique.
F.N. : L'évolution principale est la mise à l'agenda du débat public des questions de violences sexuelles. Si cette mise à l'agenda politique, médiatique et associatif est une bonne chose, elle ne suffit malheureusement pas à agir comme un levier de changement.
Libérer la parole est un bon premier pas, mais si ce pas ne se transforme pas en mobilisation politique, le changement ne peut pas avoir lieu au niveau structurel. Et comme à chaque fois qu'un groupe s'organise pour plus de liberté et de justice le(s) camps d'en face s'organisent aussi, on voit fleurir le champ lexical de l'"hystérie", de "chasse aux sorcières", de "cancel culture", etc... Et ce sont finalement les féministes et les victimes qui se retrouvent sur le banc des accusé·e·s.
F.N. : Je pense que cela dépend d'où viennent ces arguments. Si c'est un homme, je ne cherche pas à le convaincre.
Par contre, en tant qu'afroféministe, mon enjeu est de convaincre les femmes noires de deux choses : la première, c'est leur expliquer le caractère systémique du patriarcat. La seconde est que l'afroféminisme défend leur intérêt politique, économique et social en tant que groupe.
La déclaration de la Coordination des femmes Noires (1977)
Ne suis-je pas une femme ? de Bell Hooks (1981)
Assata, une autobiographie d'Assata Shakhur (1988)
Une si longue lettre de Mariama Bâ (1979)
Rosalie l'infâme d'Évelyne Trouillot (2003)
La déclaration d'indépendance de la République d'Haïti (1804)
F.N. : Faire attention aux femmes, filles et enfants de notre entourage, veiller à leur sécurité et leur bien-être physique, émotionnel et intellectuel. La solidarité féminine est l'une des meilleurs portes d'entrée vers le féminisme.
F.N. : Se mobiliser contre la fascisation et la restriction des libertés qui a lieu partout dans le monde à travers des Etats de plus en plus autoritaires, et une police de plus en plus militarisée. Ce mouvement s'accompagne évidemment d'un renouveau du masculinisme et de l'anti-féminisme portée par les femmes. En France et aux Etats-Unis par exemple, on voit de plus en plus de groupes anti-feministe ethno-nationalistes. Je me battrai contre cela.
Pour revoir les premières conférences Le féminisme n'a jamais tué personne, c'est ici :
Conférences "13 minutes" : Le féminisme
Violences sexistes : quand les femmes prennent la parole