Le Journal of Mariage and Family vient de publier une étude consacrée aux mères actives, et à l'impact du temps qu'elles consacrent à leur travail sur le développement de leurs enfants. Menée par Melissa Milkie, sociologue à l'Université de Toronto, et deux autres auteurs d'universités différentes, cette étude fera sans nul doute date dans la vie des mères actives.
Les conclusions ? Elles sont simples : le volume du temps passé par les mères avec leurs enfants de 3 à 11 ans n'aurait pas d'incidence particulière sur leur développement (à savoir leur réussite scolaire, leur bien-être émotionnel et leur comportement général). Soyons clairs : l'étude ne dit évidemment pas que rien ne sert de partager des moments avec son enfant pendant cette période, mais bien que la qualité prime sur la quantité. Ainsi une mère qui privilégiera la petite histoire du soir, les repas partagés, les moments de discussion et les tête-à-tête avec ses petits n'aura-t-elle pas un train de retard sur celle qui aura passé le double de temps en compagnie de l'enfant dont une grande partie à regarder la télévision en sa compagnie (par exemple). Jusqu'à quel point mathématique la qualité est-elle suffisante pour pallier à la quantité ? Ca, l'étude ne le dit pas.
En revanche, le Washington Post, qui s'est intéressé de près à ces résultats, a quant à lui publié un graphique fort instructif qui fait état du temps passé par les papas et mamans des sixties à nos jours avec leur progéniture. Et là, surprise, on se rend compte que les mères d'aujourd'hui (dont 71% travaillent versus 41% en 1965) passent davantage de temps avec leurs enfants que celles des yé-yés (et les pères trois fois plus mais on s'en serait davantage douté). Preuve que les mères actives d'aujourd'hui "rattrapent" finalement leur retard en consacrant davantage de temps à la cellule familiale le week-end que leurs prédécésseuses, confortées par leur présence plus systématique quoique finalement plus lointaine.
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Autre conclusion de l'enquête : le stress généré par l'obligation tacite pour les mères de tout donner à leur enfant aurait, quant à lui, un impact négatif sur leur développement. Soyons clairs, la société continue d'ériger le temps de mère en temps sacré, entretenant une culpabilité certaine chez toutes celles qui peinent à placer le curseur entre vie professionnelle et familiale. Celle qui travaille tard et délègue au papa ou autre tiers le coucher des enfants continue d'être regardée de travers, sacralisation de la génitrice oblige. Or, il semble bien, selon Milkie et ses acolytes, que cette pression du maternage intensif induit par la société, et infligée par les mères à elles-mêmes, n'impacte pas de façon positive le temps finalement consacré aux enfants. Outre les working mums désireuses de s'épanouir dans leur vie professionnelle, le segment des mères actives comprend évidemment les femmes, souvent seules, aux revenus souvent faibles, qui tentent bon an mal an de faire vivre le foyer tout en passant suffisamment de temps avec leurs enfants. Celles-ci subissent la double peine du jugement d'autrui et de la difficulté à jongler comme elles le peuvent entre ces deux vies. Puisse cette enquête participer à leur déculpabilisation.
Et puis n'oublions pas, ainsi que le rappelle un pédopsychiatre au Washington Post, que les enfants ont aussi besoin de temps seuls sans l'engagement des parents pour leur développement social et cognitif. Dont acte.
Les mères qui travaillent peuvent-elles créer des liens solides avec leurs enfants (puisqu'il est bien question de cela) ? La réponse est oui. Pour l'auteur de l'étude, le temps n'a pas d'importance. Ce sont les petits morceaux de temps mis bout à bout qui en ont. Quant à la fonction des mères dans l'éducation des tout-petits, il serait semble-t-il temps de valoriser davantage le rôle parental parallèlement à celui des femmes dans la sphère publique en cessant de pointer du doigt les mères alors que les pères, eux, subissent moins (pas) la pression sociale quant au temps à consacrer à leurs enfants.
Non, les enfants ne sont pas malheureux lorsque maman travaille tard parfois. Mais peut-être est-ce justement cela que nous avons du mal à admettre ?