"Je n'arrive toujours pas à y croire". Julie Meunier se pince encore. Le 23 octobre au soir, la créatrice des Franjynes, une alternative aux perruques pour les femmes et les petites filles atteintes d'alopécie (perte de cheveux et de pilosité) a remporté le concours national des talents BGE de la création d'entreprise. Invitée à présenter son projet entrepreneurial au Ministère de l'Economie et des Finances, cette ancienne juriste en droit immobilier est la créatrice d'une marque d'accessoires sociale et solidaire.
Les Franjynes sont des mèches entièrement adaptées à l'alopécie, à fixer sous un bonnet, un chapeau ou l'un des turbans de la marque. "Lorsque je suis tombée malade en 2015, je suis restée chauve pendant un an, nous explique Julie Meunier. Je ne supportais pas les perruques à cause de la fragilité de mon cuir chevelu. Ça me gênait, ça me grattait, ça me tenait chaud. J'ai donc porté des turbans. Et un jour, j'ai eu l'idée de glisser une frange dessous". Car la majorité de ces accessoires sont uniquement ajustables sur cheveux. "Moi, j'ai développé un petit système pour que ma frange tienne sur ma tête sans cheveux".
Alors atteinte d'un cancer du sein de stade 3, la jeune femme subit 24 séances de chimiothérapie, deux opérations et 40 rayons de radiothérapie. Avec ce système D, qui fait dépasser des cheveux synthétiques de son turban, elle se regarde sans penser à la maladie, se coiffe de nouveau, se sent mieux.
La future créatrice répertorie sept façons différentes de nouer son turban, "ce qui me permettait de me coiffer chaque jour d'une nouvelle manière, alors que je n'avais pas de cheveux". Engagée auprès des femmes atteintes du cancer, elle partage sa découverte au cours d'ateliers bénévoles dans des associations ou des hôpitaux. "C'est en présentant cette technique que j'ai décidé de l'exploiter à plus grande échelle".
La jeune femme lance une campagne de crowdfunding le 15 octobre 2016 pour soulever les fonds nécessaires à la création de son entreprise. "Après un cancer, ce n'est pas de passer par la porte de derrière qui allait me faire peur". En 45 jours, elle récolte 35 000 euros grâce à 996 contributeurs et lance son site Internet en juin 2017. "En 4 mois, j'ai envoyé plus de 450 commandes".
Né de la solidarité, ce projet inspirant se veut également généreux : Julie Meunier reverse 5% de son chiffre d'affaires mensuel à la recherche contre le cancer. "C'est un essai clinique qui m'a sauvé la vie, c'est donc une façon de leur renvoyer l'appareil. C'est grâce à l'évolution des traitements et des sciences qu'on arrivera à sauver des vies".
Mais quel est l'intérêt de porter un turban avec une frange, quand on peut opter pour une perruque ? "Une perruque coûte entre 300 et 3000 euros et a une durée de vie d'environ six mois". Le remboursement forfaitaire de la Sécurité sociale pour une prothèse capillaire ne s'élève qu'à 125 euros. "Comme j'ai beaucoup souffert de la baisse de mes revenus pendant mon traitement, j'ai voulu que les Franjynes soient accessibles à toutes". Considérées comme des prothèses capillaires par notre système de santé, les créations de Julie Meunier (dont le prix ne dépasse pas 100 euros) sont donc remboursées à 100%.
Pour le moment, Les Franjynes dispose d'une collection de sept coloris de cheveux, neuf modèles de turban et sept bandeaux (pour accessoiriser les coupes courtes et la repousse). Grâce à l'Aide aux Chômeurs Créateurs ou Repreneurs d'Entreprise (ACCRE) qui permet à certains demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise de bénéficier d'une exonération de charges sociales pendant un an, Julie Meunier peut recapitaliser ses bénéfices dans la création de nouveaux modèles. "Je travaille sur une nouvelle collection de franges bouclées".
En rémission depuis un an, Julie Meunier a donné un nouveau souffle à sa vie. "Cadre à 25 ans dans une grande entreprise, je détestais ce que je faisais. Le cancer m'a mis un coup de pied aux fesses pour me remettre dans la voie que j'aurais dû prendre pour être heureuse. Aujourd'hui, je sais pourquoi ce putain de cancer est arrivé".