Jouer aux jeux vidéo rendraient-ils nos enfants machos ? Une étude menée par une équipe de chercheurs français et américains, et parue vendredi 17 mars dans la revue Frontiers of Psychology, tend à le démontrer.
Réalisée auprès de 13 520 jeunes Français de Grenoble et Lyon, âgés de 11 à 19 ans, elle confirme ce que l'on soupçonnait déjà fortement : que la pratique régulière du jeu vidéo pouvait conforter les joueurs dans des attitudes sexistes et les conduire à avoir une vision stéréotypée des femmes.
Les chercheurs ont mis en relation le temps hebdomadaire passé à jouer aux jeux vidéo et l'adhésion à une vision sexiste des femmes. Il s'est avéré que plus les adolescents passaient leur temps devant leur écran de télévision à jouer aux jeux vidéo, plus ils étaient enclins à considérer que le rôle des femmes consistait "essentiellement à faire et élever des enfants".
Selon les auteurs de l'étude, cette vision sexiste et réductrice des femmes est due à la quasi-absence de personnages féminins à la forte personnalité dans la plupart des jeux. Ces derniers préfèrent les cantonner au rôle de demoiselle à secourir, quand elles ne sont pas simplement réduites à leur physique évidemment affriolant.
"Les analyses de contenu montrent que dans les jeux à succès, les femmes y sont sous-représentées, ont des rôles passifs, sont des princesses à sauver ou des objets de conquête dont le rôle est secondaire et l'apparence sexualisée", explique à l'AFP Laurent Bègue, directeur de la Maison des Sciences de l'Homme Alpes (CNRS/Université Grenoble Alpes) et co-auteur de l'étude. Dans ces mêmes jeux, les hommes sont au contraire "souvent actifs, armés et musclés", ce qui renforce les stéréotypes de genre et induit de fait que les femmes sont moins fortes et moins douées que les hommes.
Mais les jeux vidéo ne sont pas la seule cause des opinions sexistes et stéréotypées des adolescents. "Le lien (entre jeu vidéo et sexisme, ndlr) est statistiquement significatif, mais son poids reste limité", assure Laurent Bègue. Le chercheur fait valoir que "l'adhésion religieuse" est aussi "prédictive d'attitudes sexistes chez les adolescents, et ce dans une plus grande mesure. Le poids de la télévision est en revanche inférieur à celui du jeu vidéo".
Il est en revanche évident pour les auteurs de l'étude que l'importance prise par les écrans dans l'accès à la culture a sa part de responsabilité dans les visions stéréotypées qu'ont les adolescents des femmes et des hommes. "La modernité du support n'est pas un gage de sa modernité en termes d'égalité homme-femme", rappelle Laurent Bègue. "Certes, il serait injuste de limiter le monde du jeu vidéo, d'une grande diversité, à ceux qui ont le plus de succès et qui versent dans la caricature des genres". Mais l'industrie pourrait s'efforcer de ne pas enfermer les individus dans des rôles stéréotypés. Et c'est vrai aussi pour les hommes !"