Souvent mises dans le même sac et critiquées en raison de l'image de la femme qu'elles renvoient aux petites filles, les princesses Disney d'antan, telles Blanche-Neige ou Cendrillon sont-elles si rétrogrades que cela ? Une nouvelle étude des dialogues de ces films rapportée par le Washington Post montre que La petite sirène et les films Disney les plus récents laissent paradoxalement moins la parole aux femmes, même quand celles-ci en sont les héroïnes.
Carmen Fought et Karen Eisenhauer, deux linguistes, ont passé au peigne fin les dialogues dans tous les dessins animés Disney dont le personnage principal est une femme, voire, comme c'est le plus souvent le cas, une princesse, afin de comprendre quelle influence ceux-ci peuvent avoir sur les fillettes qui les regardent inlassablement.
"Nous ne pensons pas que les petites filles jouent d'une certaine manière ou parlent d'une certaine manière naturellement. Elles ne sont pas nées avec l'envie de porter une robe rose. A un moment cela leur est inculqué ? La grande question, c'est 'où les petites filles se forgent une idée au sujet de la féminité ?'", déclare Carmen Fought au Washington Post.
En s'intéressant aux longs-métrages produits par le géant de l'animation américaine, les deux chercheuses ont distingué trois ères différentes et fait quelques découvertes étonnantes au sujet du temps de parole accordé aux femmes dans ces films. Ainsi, dans les films Blanche-Neige, Cendrillon et La belle au bois dormant, qui représentent la phase dite "classique", les héroïnes monopolisent la parole, puisqu'elles prononcent 71% des répliques, ce qui n'est pas le cas dans les long-métrages de la période suivante, surnommée "la Renaissance".
Alors que les moeurs ont évolué entre-temps et que des efforts ont été faits pour dépeindre Ariel, Belle, Jasmine, Pocahontas ou Mulan comme des femmes fortes et maîtresses de leur destin, celles-ci parlent paradoxalement moins que leurs prédécesseures.
Disney Princess Magiclip Ariel Doll and Fashion
D'après les calculs de Carmen Fought et de Karen Elsenhauer, les personnages masculins parlent en effet 68% du temps dans La petite sirène, 71% du temps dans La Belle et la Bête, 90% du temps dans Aladdin, 76% du temps dans Pocahontas et 77% du temps dans Mulan. Ces écarts seraient dus, selon les chercheuses, au fait que la majeure partie des personnages dans ces films sont masculins, y compris les seconds rôles et les figurants.
"On trouve une princesse isolée qui essaie de trouver un mari, mais il n'y a pas d'autres femmes. On ne voit pas de femmes en train de mener une révolte des gens du village contre la Bête, ni de femmes en train de nouer des liens dans un taverne en chantant des chansons à boire, en train de se donner des directives ou d'inventer quelque chose. Tous ceux qui font quelque chose d'autre à l'écran que trouver un mari sont grosso modo de sexe masculin", explique Carmen Fought.
Quant aux films récents centrés sur des personnages féminins, ils sont marqués par une légère amélioration de la distribution des dialogues entre hommes et femmes. Dans Raiponce, les femmes prononcent 52% des répliques, et dans Rebelle 74%. En revanche, La reine des neiges, bien que racontant l'histoire de deux héroïnes, s'inscrit dans la tendance inverse puisque les hommes "détiennent" 59% des dialogues.
Par contre, et c'est là que se situe la véritable évolution positive, les deux linguistes ont constaté que, dans les derniers films Disney sortis en salles, les héroïnes sont mises en avant pour leurs accomplissements plutôt que pour leur physique. Une tendance qui était déjà visible dans des films comme La petite sirène, mais qui n'était pas aussi nette. Pour la première fois, les femmes sont plus susceptibles d'être louées pour leurs capacités ou leurs succès que pour leurs traits physiques. En moyenne, 40% des compliments adressés à des femmes évoquent leurs accomplissements, quand 22% concernent leur apparence dans la dernière fournée de dessins animés Disney.
Comme le note le Washington Post, les pédopsychiatres recommandent de plus en plus aux parents de ne pas complimenter leurs enfants, et en particulier les petites filles, sur leur physique. Même les remarques positives pourraient d'après eux avoir des conséquences négatives sur l'image corporelle des enfants, en semant dans leur esprit l'idée selon laquelle l'apparence compte plus que le reste. Par ailleurs, les recherches sur ces sujets démontrent qu'il est important de féliciter les enfants au sujet de leurs réussites plutôt que leurs traits de caractère, car ceux-ci seraient plus motivés quand on remarque leurs efforts que quand on se contente de louer leurs traits de personnalité.