Cecilia Giménez pensait bien faire en retapant dans son coin une peinture en ruine de l'église de Borja, (nord-est de l’Espagne). Pas restauratrice pour un sou, l’octogénaire a fait de son mieux. Le résultat, qui relève davantage du massacre que de l’art, a fait le tour du monde : à la place du visage du Christ, délicatement peint à la fin du XIXe siècle par Elias Garcia Martinez, chacun a pu voir « une esquisse au crayon d’un singe très poilu dans une tunique mal ajustée », d’après les mots de la BBC. L’image de la peinture grotesque avait alors provoqué l’hilarité des internautes et fait l’objet de nombreux détournements.
Un an après ce buzz, Cecilia Giménez va recevoir 49% des revenus tirés des droits de l’image de ce portrait « arrangé ». Il faut dire que depuis sa restauration ratée, la peinture du Christ suscite un engouement mondial, et les visiteurs abondent dans la petite église de Santuario de Misericordia. En un an, 57 000 visiteurs venus d’Espagne et de Navarre sont venus admirer le travail de l’octogénaire. Ils ont chacun dû débourser un euro pour voir la large figure du Christ réinterprété : de quoi assurer une rondelette somme à l'« artiste » peintre. Cependant, son avocat a assuré à l’AFP que Cecilia Giménez reverserait les bénéfices tirés de l’exposition de son Ecce Homo à des œuvres caritatives. La fondation municipale responsable de l’église envisage d’en faire de même.
Seule ombre au tableau : les descendants d’Elias Garcia Martinez souhaitent que l’œuvre de leur aïeul soit re-restauré et retrouve son aspect original. « Certains d'entre eux veulent qu'elle soit restaurée, ce qui est sans doute impossible maintenant, et d'autres veulent juste qu'on l'enlève et qu'on l'expose ailleurs », explique Juan Maria Ojeda, maire adjoint de Borja. Pas sûr que l'oeuvre, parfois comparée à du Goya ou à du Modigliani, ne fascine autant une fois redevenue « normale ».
Victoria Houssay