Alors que Game of Thrones achevait (laborieusement) sa course, une autre guerre du trône se jouait en coulisses sur HBO. Plus discrète, moins frontale, sans sang, sans dragons, sans cape, ni épée. Mais tout aussi assassine. Dans Succession, les armes sont les mots qui clashent, les coups de couteau dans le dos, les tractations secrètes et le fric. Car la série nous plonge en immersion dans le monde des 1% de "super-riches", ceux qu'on entend peu, qu'on voit rarement, mais qui dominent le monde.
La famille Roy- très clairement calquée sur le modèle de la dynastie Murdoch- possède l'un des plus gros conglomérats médiatiques des Etats-Unis. Et alors que le redoutable patriarche Logan s'apprête à passer la main, les quatre rejetons jouent des coudes pour se hisser à la place de numéro 1.
Dans ce théâtre grisâtre, fait de palaces, de yachts, de limousines et d'hélicos, les personnages s'agitent tels des pantins autour du vieux magnat. On se prend à miser sur ces pions comme on joue aux échecs, on se régale des répliques délicieusement cinglantes, des mouvements de caméra aussi nerveux que les cours de la bourse, des twists cruels et on reste cloué face au cynisme de ces anti-héros souvent grotesques, parfois touchants. Un drame shakespearien féroce et jubilatoire.
Saison 1 et 2 disponibles sur OCS.
Damon Lindelof nous avait laissé le coeur éparpillé en mille morceaux par le chef d'oeuvre The Leftovers. Après cette oeuvre sublime, on attendait fébrilement à quoi le prodige allait s'attaquer par la suite. Ce choix de s'aventurer dans l'univers des comics avec Watchmen en a laissé plus d'un circonspect. Car il fallait une sacrée audace pour proposer une nouvelle adaptation du roman graphique culte d'Alan Moore et de Dave Gibbons. Mais là encore, Lindelof a épaté.
Situant son action dans une Amérique rongée par le racisme et gangrenée par les suprémacistes blancs, Watchmen désarçonne au premier abord. La matière est explosive. Mais le miracle advient : en neuf épisodes aussi troublants que magnifiques, le showrunner parvient à construire une oeuvre d'une virtuosité formelle et narrative impressionnante (l'épisode 6 est l'une des plus belles choses vues cette année, tout écran confondu). La série- éminemment politique- se joue du temps et de l'espace, jette des ponts entre présent et passé, brouille les pistes entre réalité et fantastique. On pourrait s'égarer au coeur de cet étrange labyrinthe, mais on finit subjugués.
Ici, les vengeurs masqués ne servent finalement que de prétextes à ausculter une société malade et à nourrir la mémoire d'une nation aux plaies encore béantes (le premier épisode débute lors du massacre- réel- de Tulsa en 1921). Coup de maître, une fois de plus.
Saison 1 disponible sur OCS.
La drôle de créature fictionnelle de Phoebe Waller-Bridge repart en quête dans cette deuxième saison. En quête de quoi ? Elle-même ne le sait pas, flottant dans ce monde qui ne la comprend pas. Elle croisera sur son chemin un prêtre sexy (l'irrésistible Andrew Scott) tout aussi paumé qu'elle, catalyseur de ses névroses, ses passions et bien évidemment ses frustrations.
Le ton est toujours aussi acide, les oeillades à la caméra narquoises. Mais ces nouveaux épisodes se nimbent d'une mélancolie et d'une intensité émotionnelle qui serrent le coeur entre deux incises sarcastiques. C'est triste, drôle, vif et déjà culte.
Saison 2 disponible sur Amazon Prime Vidéo
Elles n'ont pas démérité : This is Us saison 4, Euphoria saison 1, Chernobyl, Mindhunter saison 2, Years and Years, Sex Education saison 1, Mrs Fletcher saison 1, The Boys saison 1, Unbelievable.
La recette Mindhunter a déjà fait ses preuves, et elle se poursuit de plus belle avec cette seconde saison aussi haletante que déconcertante. Déconcertante, car le show Netflix ose plusieurs ruptures de rythme (cruciales), quelques allers-retours narratifs, des changements d'attentes et d'enjeux audacieux. Ou comment mieux nous captiver !
Et puis, si l'enquête et le "profilage" menés par Holden, Bill et Wendy est riche en rencontres sensationnelles (l'entretien avec la rockstar Charles Manson, dédicace à l'appui), la série gagne en humanisme en se penchant sur Bill, ce roc un peu bourru pour lequel on ne peut désormais éprouver que de l'empathie. Beaucoup. Vivement la troisième.
Disponible sur Netflix.
La série qui capte le mieux la dépression n'est pas une production "pour adultes" estampillée HBO, non, mais un dessin animé coloré et hilarant, influencé par Les Simpson. Chaque nouvelle saison de Bojack Horseman brasse son lot de gags géniaux et de références pop absurdes.
Mais surtout, les années filant, la série s'avère être de plus en juste dans sa manière de dépeindre la complexité des relations humaines, entre affects, regrets et communication impossible. Une fois que l'on a découvert Bojack Horseman, cet éternel has been en quête de rédemption (et cheval qui parle, soit dit en passant), impossible de le laisser tomber.
En 2019, on a pleuré devant la première partie de la sixième saison de Bojack Horseman, oui, mais aussi en apprenant l'annulation sans queue ni tête de Tuca & Bertie, ce show trop méconnu créé par sa designeuse, la talentueuse Lisa Hanawalt. Un gros fail de la part de Netflix !
Disponible sur Netflix.
Plus les épisodes se succèdent (depuis la création du show en 2011), plus Black Mirror semble faire l'objet des critiques les plus virulentes de la part du public et des médias. Un retour de bâton injuste tant cette cinquième saison, menée à tambour battant, séduit autant qu'elle angoisse.
Après l'expérience interactive (et un peu foirée) Bandersnatch, la série en revient à ses gimmicks habituels : beaucoup d'ironie, de cruauté, de satire. Si Miley Cyrus s'accorde parfaitement à l'univers "fucked up" de cette anthologie dystopique (le très grinçant épisode "Rachel, Jack et Ashley aussi") l'on retiendra surtout la performance de l'inestimable Andrew Scott (Moriarty dans Sherlock), tête d'affiche du plus haletant (et meilleur) épisode : "Smithereens".
Inoubliable !
Disponible sur Netflix.
J'ai pris une véritable claque avec Euphoria. J'ai découvert la série par le plus grand des hasards et n'en attendais donc pas grand-chose, si ce n'est une sorte de Skins version 2019, le tout à la sauce HBO.
Le pitch ? Rue sort de cure de désintoxication après avoir frôlé la mort. Elle fait la rencontre de Jules, nouvelle venue au lycée, qui deviendra rapidement sa nouvelle addiction. Concentrée principalement sur le personnage de Rue, Euphoria lève également le voile sur une bande d'ados paumés, ultra influencés par les réseaux sociaux et le porno.
Une série fine, juste et intelligente, merveilleusement bien réalisée et dont la bande originale est, selon moi, la meilleure de l'année en matière de séries. Euphoria est une série sombre, dramatique, qui ne vous laissera certainement pas indemne.
Saison 1 disponible sur HBO et OCS en France.
Sur une note plus légère, Russian Doll - ou Poupée Russe en français - est la jolie création Netflix qu'il ne fallait pas manquer en ce début d'année 2019.
Réalisée par le trio gagnant Natasha Lyonne, Amy Poehler et Leslye Headland, la série raconte l'histoire de Nadia - interprétée par Natasha Lyonne herself -, dont la vie prend un tournant inattendu lorsque, pour une raison obscure, elle se retrouve à répéter sa soirée d'anniversaire encore et encore. Soirée à l'issue de laquelle Nadia finit toujours par mourir brutalement... avant de tout reprendre à zéro, à la façon du film Un jour sans fin.
Drôle, cynique et pêchue, Poupée Russe est un petit bijou de réalisation particulièrement bien écrit. C'est aussi l'occasion de découvrir Natasha Lyonne dans un autre rôle que celui de la touchante - et tout aussi cynique - Nicky Nichols, à qui l'on a dû faire nos adieux dans la dernière saison - qui elle aussi mériterait d'être dans ce top 3 ! - de Orange Is The New Black. De quoi nous consoler un peu (mais vraiment juste un peu).
Saison 1 disponible sur Netflix.
Autre série remarquable de cette année 2019 : la mini-série Unbelievable, signée Netflix avec Kaitlyn Dever, Merritt Wever, Toni Collette et Danielle Macdonald.
Inspirée d'une histoire vraie, Unbelievable raconte l'histoire de la jeune Marie, une victime de viol dont la police remettra en cause la véracité de son agression. Si bien que la jeune femme, largement éprouvée par les multiples interrogatoires et examens médicaux, finira elle-même par douter de son histoire au point de retirer sa plainte. Son violeur, un multirécidiviste qui change régulièrement d'États pour ne pas se faire remarquer, continuera, lui, à briser des vies. Quelques années plus tard, deux enquêtrices - interprétées par le duo de choc Merritt Wever et Toni Collette - reprendront l'affaire d'un main de maître.
Unbelievable est une série d'une justesse éprouvante. Elle lève avec finesse le voile sur le parcours auquel sont bien souvent confrontées les victimes de viol et dénonce, plus ou moins malgré elle, la prise en charge actuelle des victimes par la police. Une unique saison qu'il ne fallait surtout pas manquer en 2019. Bonne nouvelle, celle-ci est toujours disponible sur Netflix.
Saison 1 disponible sur Netflix.