Cela commence comme une histoire tristement ordinaire. La jeune Marie a été violée. Du moins, c'est ce qu'elle déclare à la police. Mais a-t-elle rêvé son agression, a-t-elle fait un "black-out", l'a-t-elle inventée ? Son comportement interroge, les preuves manquent, ses versions divergent. Le doute émerge et les enquêteurs tiquent, Marie se rétracte : son cas sera classé sans suite. L'histoire de Marie aurait pu en rester là. Sauf que... trois ans plus tard, un nouveau cas de viol émerge dans un autre Etat. Et c'est la détective Karen Duvall (magnifique Merritt Wever) qui est sur le coup. Avec une douceur infinie, l'enquêtrice va recueillir le témoignage glaçant de la victime et se saisir de l'affaire à bras le corps. La policière fera équipe avec une détective dure à cuire d'un département voisin, Grace Rasmussen (Toni Colette, toujours parfaite).
A partir de ce moment, la série Unbelievable bascule et se scinde en deux : d'un côté, le chemin de croix de Marie, ostracisée et désignée comme "la fille qui a crié au loup" et la chasse au serial-rapist qui se trame en parallèle, menée par le binôme d'enquêtrices. Une structure bicéphale, oscillant entre psy et action, qui rend ce récit inspiré de faits réels d'autant plus passionnant.
La show-runneuse d'Unbelievable, Susannah Grant, a puisé son inspiration dans un article du Marshall Project and ProPublica ("An Unbelievable story of rape") récompensé par le prix Pulitzer en décembre 2015. Une base journalistique qui offre à la série une authenticité quasi-documentaire et lui apporte une profondeur inédite.
Car Unbelievable ose placer la question du viol et ses victimes en son centre. Un arc narratif beaucoup moins "spectaculaire" que le meurtre- la marotte des séries policières- et malheureusement souvent traité de façon paresseuse, artificielle, voire sexiste. "Pour les hommes aux postes de showrunners, l'agression sexuelle est devenue le truc vers lequel ils vont dès qu'il faut expliquer pourquoi un personnage féminin souffre d'un trauma. Vous pouvez être sûr qu'en réunion, c'est l'idée qui va ressortir tout de suite, comme si c'était évident d'aller par-là quand on met en forme le personnage d'une femme", expliquait anonymement une scénariste dans un article de Variety.
Ici, la série prend son temps, écoute patiemment, hésite, connecte les points, avance avec justesse et intelligence. Dans un genre souvent marqué par les dichotomies frisant la caricature (le bon et le mauvais flic, le méchant et la victime, le Bien et le Mal), ces huit épisodes nous plongent dans un récit pluridimensionnel, sondent les zones grises. Et les victimes, loin d'être objectifiées, constituent le noyau de la série, le recueil de leur témoignage offrant une photographie bouleversante de l'étendue des séquelles post-traumatiques.
L'autre belle idée de la mini-série : ce duo féminin de détectives, parfaitement différentes et merveilleusement complémentaires. Mais là encore, la dynamique entre la délicate Karen et l'expérimentée Grace s'éloigne des clichés rabâchés des "buddy cop movies". Leur travail d'équipe, leur engagement viscéral, leur empathie et leur estime mutuelle façonnent une relation dense, qui n'est pas sans rappeler l'attachant tandem de Mindhunter (Netflix).
Au final, Unbelievable se révèle moins un whodunit classique (dans lequel l'énigme et sa résolution sont les facteurs centraux) qu'un questionnement sur le pourquoi du comment ces viols ont pu continuer à être perpétrés. Une série "couillue" qui explore les failles du système qui auront permis au monstre de s'échapper tout en soulignant la fragilité de la parole des victimes et le manque de formation des autorités face à ces affaires éminemment sensibles. Nécessaire.
Unbelievable
Avec Toni Collette, Merritt Wever, Kaitlyn Dever...
Diffusion à partir du 13 septembre 2019 sur Netflix