J'avais envie de travailler avec Denys Arcand. J'ai appris qu'il rencontrait quelques actrices françaises parce qu'il voulait que le rôle de Stéphanie soit une expatriée, un peu déracinée et échouée dans un pays lointain où les codes et la culture ne sont pas les mêmes. Je connaissais son travail, c'est un grand cinéaste. Le règne de la beauté est totalement différent de ce qu'il a pu faire auparavant et je trouve ça courageux. Il aurait pu reprendre les mêmes recettes, mais non : il a voulu s'excentrer et porter un regard sur ce que sont les trentenaires d'aujourd'hui, comme il avait pu le faire à un moment pour Le déclin de l'empire américain. Et il a un regard qui est dur, sur cette jeunesse du vide et superficielle.
Oui, ils ont dû s'aimer, ils se sont construits ensemble, mais sur quoi ? C'est un couple qui ne parle pas, qui ne partage rien. On a l'impression de regarder un pauvre magazine de sport et on se couche dos à dos. C'est un constat un peu dur sur la société d'aujourd'hui, mais que je trouve juste.
Non, aucune recherche. Je suis arrivée en ayant des propositions. Je me suis laissée porter, sans tenter de fabriquer un personnage. Denys Arcand cherche juste à filmer des gens qui n'avaient rien à se dire dans un contexte un peu absent, lâche. J'ai habité ce personnage pendant un an, que j'ai abandonné puis retrouvé... C'est un personnage un peu lancinant, qui ne se détache jamais vraiment de toi car je savais que j'avais rendez-vous avec lui quelques mois après. Un an après, tu n'es plus tout à fait la même car il s'est passé des trucs dans ta vie, que tu as grandi et qu'on change en un an. Ca, ça apporte aussi au personnage car tu évolues en même temps que lui.
On a tous un problème de considération, de complexe, de légitimité... On traîne tous plus ou moins ce genre de trucs, de ne pas se faire confiance. J'imagine que les psys entendent tout le temps la même chose ! On ne traîne juste pas les mêmes histoires. Il se trouve que moi, j'ai été éduquée comme ça. Ma mère n'a jamais eu vraiment confiance en elle, mon père non plus et du coup, ils m'ont transmis ça malgré eux. Il faut que je me justifie de tout, je passe mon temps à m'angoisser parce que je pense que je ne vais pas être prise en sérieux alors que je devrais m'en foutre ! A un moment, il faut s'assumer et faire les choses et se donner les moyens de les faire. C'est ce que j'essaie de faire : faire les choses bien avec des gens que j'aime et que j'admire.
Oui, ça change tout (Mélanie Thierry a deux enfants avec le chanteur Raphaël, Roman, 7 ans et Aliocha, 2 ans- Ndlr). Ça change d'abord ton rapport à la vie fondamentalement, tu as une responsabilité... Et puis cela m'a aidé à devenir une femme, à ne plus être une éternelle "babydoll". Je trouve que je fais des films beaucoup plus intéressants depuis que je suis maman et que ma vie est changée. Parce que j'ai progressé aussi et qu'on me fait davantage confiance.
Je ne le ressens pas tant que ça. En fait, je suis partagée : je dis que je ne suis pas du tout féministe, ce qui est le cas. Si je sentais qu'il y avait une injustice, je suis sûre que je serais beaucoup plus engagée. Je ne le ressens pas plus que ça donc c'est peut-être pour ça que je ne suis pas plus investie. Et puis parce qu'il y en a d'autres qui le font beaucoup mieux que moi, qui savent mieux le porter et l'ouvrir que moi. J'ai déjà du mal à parler, donc si en plus, il faut lever le poing... Je n'en suis pas capable ! On a de bonnes cinéastes françaises, elles existent, elles sont prises au sérieux, ont une sensibilité qu'elles apportent et une dureté aussi.
On est dans un monde où on est sans arrêt confrontés aux apparences : comment tu es habillée, est-ce que tu as un gros cul... Ça se réduit à ça, malheureusement. Ça prend même le pas sur l'actrice que tu es, c'est décourageant parfois ! Mais c'est une éthique de vie : je suis une gourmande, pour tout. Je n'ai pas la volonté de ne manger qu'une assiette d'haricots verts le soir avant de me coucher. Je me laisse vivre, je ne veux pas être dans une frustration en permanence.
On trouve des solutions ! On fait un métier où on nous aide. Il y a toujours mille personnes autour de nous qui s'occupent de ce genre de problèmes, qui s'occupent des billets d'avion de train, des réservations d'hôtels à notre place... En général, ce n'est pas très compliqué. On est gérés par 15 personnes qui se donnent du mal pour faire en sorte que la famille soit rassemblée. Il y a des solutions pour tout et il y a pire comme problème ! Maintenant que j'ai deux enfants, c'est vrai que c'est un peu plus compliqué. Mais même avec un seul enfant, ça a toujours été très facile, même quand il y a des heures d'avion.
Je suis partagée, il y a les deux. Perso, je n'allume la télé que pour regarder des films en VOD. C'est quand même vachement bien quand on a raté un film pour le regarder tranquillement à la maison. C'est quand même fabuleux ! Mais il y a une frustration évidente, c'est que j'aurais aimé que ce film sorte dans une salle de cinéma. Quand tu tournes un téléfilm, tu sais que ça sera à la télé. Mais quand tu fais du cinéma et que ça ne sort pas au cinéma, c'est super frustrant. Je ne parle pas d'une énorme distribution, mais quelques copies pour permettre aux cinéphiles qui aiment Denys Arcand comme moi d'aller voir son film en salles. Maintenant, il sort, ce qui est déjà pas mal ! Mais quand tu regardes un film où c'est du grand cinéma, où le réalisateur s'est fait chier à faire un beau film, avec des beaux plans, qui a un peu de gueule... Chez moi, j'ai la chance d'avoir un home cinéma, donc je sais que je vais pouvoir le regarder sur un écran qui a une belle valeur et avec un bon son, mais quand tu n'as pas ça, ça réduit l'oeuvre d'un cinéaste... C'est un peu dur, je trouve. Après, je continue à adorer mon vidéo-club de quartier !
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Le Règne de la beauté de Denys Arcand.
Avec Mélanie Thierry, Eric Bruneau, Marie-Josée Croze...
Disponible depuis le 3 septembre 2015 en e-Cinéma