C'est dans le cadre d'un entretien accordé au « Journal du Dimanche » (JDD) que Najat Vallaud-Belkacem a relancé le débat sur le statut pénal de la prostitution. Une prostitution qui doit « disparaître », selon la ministre des Droits des Femmes, qui appelle d’ailleurs le gouvernement à « se donner les moyens » de l'abolir. « La question n'est pas de savoir si nous voulons abolir la prostitution, la réponse est oui, mais de nous donner les moyens de le faire. Mon objectif, comme celui du PS, c'est de voir la prostitution disparaître », a ainsi déclaré la ministre. Et d’ajouter, réaliste : « Je ne suis pas naïve, je sais que ce sera un chantier de long terme ».
Et pour cause, pour l’heure, l’abolitionnisme divise les associations et se heurte à l'opposition des prostitué(e)s indépendant(e)s, qui jugent que cela mettrait en danger leur subsistance et leur sécurité en les poussant vers plus de clandestinité.
Porte-parole des indépendantes du Bois de Boulogne, Corinne défend « le droit à disposer de son corps » et estime que ces prostituées, qui grâce à leur activité « ont un niveau de vie certain », ne sont « pas prêtes à l'abandonner pour accepter un revenu minimum ». A l’opposé, l’association « Osez le féminisme ! » a salué le courage de Najat Vallaud-Belkacem. « La ministre des Droits des Femmes s'est courageusement positionnée pour l'égalité entre les femmes et les hommes en reconnaissant que la prostitution est une violence faite aux femmes et qu'il est temps d'agir pour l'abolir dans les faits », écrit en effet l'association dans un communiqué.
Actuellement, recourir à une personne prostituée n'est pas un délit. Depuis 2003, la loi punit le racolage passif, c'est-à-dire celui exercé par la personne prostituée sur la voie publique, de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Mais ce texte, peu appliqué, ne prévoit rien contre les clients. D'après une récente enquête du Mouvement du Nid, un homme sur huit a déjà eu recours à une prestation sexuelle tarifée.
Durant la campagne, François Hollande avait dit son intention de supprimer ce délit de racolage passif qui « conduit à repousser la prostitution dans des zones peu accessibles pour les associations ». Quant à la pénalisation des clients, « la réflexion doit être ouverte », avait-il ajouté.
Annonçant « une conférence de consensus », la ministre des Droits des Femmes a par ailleurs rappelé dans le JDD que le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, et elle « ne resteront pas inactifs sur cette question ». La pénalisation des clients sur le modèle de ce qui se pratique en Suède depuis 1999, avait également été défendue par Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, pour qui « il n'existe pas de prostitution libre, choisie ou consentie ».
En 2010, la France comptait au moins 18.000 à 20.000 prostitué(e)s de rue, les autres formes de prostitution (escort, internet, salons de massage, etc.) n'étant pas chiffrées, selon la Fondation Scelles, association pro-abolition. D'après un rapport parlementaire d'avril 2011, il s'agit pour 80% de femmes et pour 80% de personnes étrangères.
Crédit photo : AFP
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