Culture
Faut-il regarder "Christmas Flow", la série de Noël made in France de Netflix ?
Publié le 3 décembre 2021 à 18:24
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Marre des téléfilms mielleux tournés dans des studios californiens où tout sonne faux, même la neige ? "Christmas Flow" pourrait bien vous réconcilier avec le genre. Le pitch : une love-story mignonne en trois chapitres sur fond de féminisme. On prend.
Faut-il regarder "Christmas Flow", la série de Noël made in France de Netflix ? © Netflix
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La mini-série co-créée par Henri Debeurme, Victor Rodenbach et Marianne Levy, et réalisée par Nadège Loiseau, n'est peut-être pas un chef d'oeuvre, mais elle n'en a certainement pas la prétention.

Non, ce qu'elle nous promet, c'est plutôt une romcom réconfortante, des quiproquos familiaux et familiers, et une intrigue qui tourne autour du feminism-washing saupoudrée de problématiques actuelles. Un dernier élément de scénario inédit, si on se réfère aux productions un tantinet sexistes de la chaîne Hallmark - et c'est peu de le dire.

Surtout, de quoi attiser notre curiosité à nous, fans invétérées de tout ce qui est lait chaud à la cannelle, mots doux au coin du feu et destruction du patriarcat. Attention, spoilers.

Rencontre sous la neige et quiproquo boulevard Haussmann

D'abord, le casting. A l'écran, on découvre le chanteur et vainqueur de Danse avec les stars Tayc dans le rôle de Marcus, un rappeur connu qui semble s'épanouir dans l'écriture de paroles sexistes, et Shirine Boutella (Papicha, Lupin) dans celui de Lila, journaliste et cofondatrice, avec Alice et Jeanne (Marion Séclin et Aloïse Sauvage), du site féministe Les Simones, dont la popularité est aussi faible que les convictions fortes. Un détail à garder en quête puisque le risque de faillite du média sert de pilier à divers tropes.

Ensuite, l'histoire. Les deux futurs amoureux se rencontrent dans le bureau de la sécurité des Grands Magasins. Elle est isolée après avoir fait une prise de karaté à un agent qui brutalisait une cliente, lui tente d'éviter les foules en attendant son Uber au calme.

Le courant passe bien tant qu'elle ne sait pas qui il est. Et puis, le pot-aux-roses est rapidement dévoilé : il est l'auteur d'une chanson misogyne. Chanson - et artiste - que la jeune femme a d'ailleurs descendus dans un article quelques jours plus tôt.

Tayc et Shirine Boutella, dans les rôles de Marcus et Lila © Netflix

Le dialogue et l'alchimie naissante sont rompus. Tant mieux. Il traite toutes les femmes de "putes", stigmatisant au passage les travailleuses du sexe, il mérite amplement le froid glacial qui s'installe. Mais voilà, en partant, lui prend son sac de cadeau à elle par erreur et tout troublé qu'il est, saisit l'occasion de lui ramener le soir du réveillon. Excuse pour la revoir : bidon.

S'en suivent des péripéties multiples, des mises au point antisexistes, des rapprochements, des éloignements, des trahisons et - bien sûr - un happy ending facile. A noter que celle-ci ne se déroulera pas dans un village ultra-décoré du New Hampshire dont le nom évoque les flocons, mais lors d'un meeting dans une MJC qui aborde le consentement avec des ados.

Une critique amusante du feminism-washing

"Le seul moyen de s'emparer du genre, c'est de l'aimer sincèrement et de l'assumer. Les gens se détestent au départ et s'aiment à la fin ! Il n'y a aucune volonté de dépoussiérer le genre, ce serait outrecuidant de notre part", commente auprès de 20 Minutes le créateur Henri Debeurme.

Si ce n'est pas le cadre en lui-même qui dénote des traditionnels longs-métrages de Noël, ce sont les sujets traités en parallèle. Notamment la façon dont Marcus essaie de se racheter une conscience et un peu de bons points en finançant anonymement Les Simones.

Ou encore, l'approche de la directrice de rédaction d'un gros groupe de presse web (Mademoiselle Agnès), qui propose de racheter le média à une condition : troquer les angles sociétaux contre des listes de cadeaux. Son argument, si on lit entre les lignes, réside dans le fait que le féminisme est tendance. Il attire donc du clic, et le clic, c'est du fric.

A cela, Christmas Flow répond, consciemment ou non, par la mise en avant de protagonistes féminines aux personnalités travaillées. Loin du syndrome de la Schtroumpfette, donc.

Des personnages féminins qui valent le détour
Shirine Boutella, Aloïse Sauvage et Marion Séclin dans les rôles de Lila, Jeanne et Alice. © Netflix

Plus la mini-série avance, plus Lila, Jeanne et Alice prennent de la place et relèguent Marcus à un rang secondaire. Pareil pour Safia (Estelle Meyer), la soeur de la première. Et sa mère, ancienne militante du MLF qui vit sa meilleure sexualité avec son voisin de pallier. Sa soeur à lui, MJ (Kadidia Sidibé), se révèle une rappeuse surdouée du haut de sa dizaine d'années. Même le personnage de la rivale, Mel, influenceuse pour le coup caricaturale, n'écope pas (trop longtemps) du rôle de méchante à qui on oppose l'héroïne.

Des femmes puissantes... jusque dans la bande-son. Pomme, Clara Luciani, Claire Laffut : des artistes dont les hits ponctuent de nombreuses scènes. Forcément, on aime.

Alors bien sûr, trois épisodes de 45 minutes permettent des longueurs dont on se serait bien passées, des clichés, et quelques séquences pas essentielles (la bougie vagin en ligne de mire). Niveau promotion, le tweet simpliste et controversé de l'interprète principal, non plus, n'aide pas. Mais après visionnage assidu, la balance penche tout de même vers le positif, et le résultat, mignon, a le mérite de démocratiser des notions indispensables.

Idéal en famille, si on veut raviver quelques débats. Et aussi pour oublier que La Princesse de Chicago, pâle dérivé d'À Nous quatre, revient pour un troisième chapitre sur Netflix.

Christmas Flow, réalisé par Nadège Loiseau, disponible sur Netflix

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