A l'aube de la cérémonie des Victoires de la musique qui a lieu ce vendredi 12 février, la chanteuse Pomme a publié une salutaire tribune sur le site Médiapart. Elle y dénonce le sexisme ordinaire qui se propage - et se banalise - au sein de l'industrie musicale. La jeune femme de 24 ans l'affirme : "De mes 15 à mes 17 ans, j'ai été manipulée, harcelée moralement et sexuellement, sans en avoir conscience à cette époque évidemment".
Nommée dans la catégorie des Artistes féminines de l'année, Pomme y narre des faits "traumatisants", entre propos déplacés et violences psychologiques systématiques. L'espace de ce billet, elle nous évoque comment sa "santé mentale" s'est vue progressivement "détruite".
"J'ai été l'objet de quelqu'un, façonnée selon ses fantasmes et déviances psychologiques. Je ne choisissais rien de ma vie (ni comportements ni fréquentations), ni de mon apparence (vêtements, maquillage, épilation), ni de la direction artistique de mon propre projet musical naissant à l'époque. J'ai été manipulée jusqu'à en perdre totalement confiance en moi".
Des paroles qui font mal et se réfèrent à ses premières productions en tant qu'artiste musicale. A l'époque simple adolescente de 16 ans, Pomme explique avoir été "sexualisée", "rabaissée", manipulée. Elle énumère même certaines des remarques les plus violentes qu'elle ait subies : "J'aurais dû te baiser", "Reprends tes chansons de merde et casse-toi" ou encore "Sois plus sexy, moins enfant". Un témoignage édifiant.
En s'exprimant ainsi, Pomme apporte sa pierre à l'édifice #MusicToo, le mot-clé à travers lequel la parole se libère aujourd'hui au sein de l'industrie musicale, témoignages notamment recueillis sur le compte Instagram Music Too France. Mais cet engagement ne date pas d'hier.
La jeune chanteuse avait signé un manifeste dénonçant le sexisme en 2019, appuyé par 690 femmes gravitant dans le milieu musical. Elle nous expliquait sa démarche à l'époque : "En ayant mis un pied dans l'industrie de la musique à 16 ans, j'ai eu le double syndrome : être une femme et être très jeune. La plupart du temps, depuis 6 ans, j'ai à faire à des hommes, en tous cas quand il s'agit de postes de pouvoir. Alors oui, j'ai vécu et assisté à tout un tas de situations inacceptables."
Ce sont ces mêmes termes que l'on retrouve en ce début d'année 2021 du côté de Médiapart, où l'artiste épingle au fil de sa lettre l'impunité révoltante des agresseurs. "Dans la musique, ces hommes ont accès à l'argent, à l'exposition et au pouvoir. La société, maison mère de la culture du viol, regorge de ces individus", développe-t-elle en nous encourageant vivement à "identifier ces comportements et agressions" pour mieux les renverser. Loin d'un témoignage simplement individuel, Pomme s'adresse ainsi "à toutes les personnes qui n'ont pas encore trouvé un espace dans lequel se reconstruire, qui n'en ont pas la chance, pas l'opportunité". Un soutien sororal.
"J'écris pour espérer que quelques unes se sentiront moins seules, pourront demander de l'aide, et pour que les autres réalisent et agissent, devant l'ampleur des violences quotidiennes perpétrées dans nos professions. Parlons-nous. Avec douceur ou avec hargne. Pour que la vérité et la justice se fassent entendre", achève-t-elle.
Des mots qui ont fait réagir. L'élue écologiste et activiste féministe Alice Coffin notamment, salue ce témoignage "rappelant les liens entre l'omniprésence d'hommes en position de pouvoir et les violences sexistes et sexuelles". Une réflexion qui pourrait inciter l'industrie musicale à une nécessaire et urgente introspection.